Analyse littéraire et exégèse spirituelle et agnostique, le travail rigoureux de Michel Théron, une lecture agnostique du Credo, nous conduit à nous interroger sur notre rapport au Credo, aujourd'hui, dans un temps qui se dégage des dogmatismes religieux, même si c'est, souvent, pour retomber dans d'autres dogmatismes, tout aussi toxiques.
Michel Théron remet en cause l'unité du Credo de la foi chrétienne. En effet, il existe deux textes qui sont en réalité fort différents et qui parfois s'opposent sur le fonds, le symbole des apôtres (le petit Credo, dit en français) et le symbole de Nicée-Constantinople (longtemps dit en latin). Le premier texte, nous dit Michel Théron, "incarne une tradition, ou une posture mentale et existentielle, très ancienne. Et le second Credo une autre.
Les deux postures sont possibles, également "vraies" en tant qu'expériences de croyance et de vie. Elles peuvent sans doute être unies en tout être, mais difficilement me semble-t-il sans prévalence ultime ou intime de l'une sur l'autre. Cela dépend évidemment du type psychologique de chacun, et de telles différences de perception et de vision conditionnent et signalent la part choisie par chaque culture, espace géographique ou aire mentale, par exemple pour ce qu'on appelle hâtivement le christianisme. En fait il y a des christianismes. Les différences doivent être perçues, pour éviter une assimilation paresseuse, qui fait plus de tort que de bien, à l'esprit et aux êtres. Le vrai "úcuménisme" doit être cherché dans la perception lucide des différences, et non dans les incantations aveuglées."
La démarche de Michel Théron, son appel à l'esprit littéraire, le livre lui-même, sont une leçon, au sens le plus noble du terme, d'autonomie respectueuse :
"L'esprit littéraire suppose certes un parfait agnosticisme de l'esprit, mais en aucune façon un détachement ou une méfiance vis-à-vis de ce qui est scruté. Ni retrait ni même isolement : ce silence bruit de paroles. Le langage bien sûr n'a d'autre garantie que le langage, et la croyance que nous mettons en lui. Mais au fond il y va toujours de notre vie. Sans les romans par exemple, comment saurait-on s'y prendre pour faire la cour à une femme ? Que serait notre existence sans les mots, et sans les mises en scène qu'ils commandent, les représentations qu'ils instituent, les comportements qu'ils structurent ? Peut-être l'homme marche-t-il seul désormais, sans lois ni repères, mais en tout cas au milieu des signes du langage et de la vie qui ne sont pas séparables.
C'est cette dernière position qu'adopte ce livre."
Il y a donc beaucoup à apprendre dans et par ce livre, sur le Credo, sur les christianismes, comme sur notre rapport au langage et finalement à l'être.