Nous devons à Michel Fromaget de nombreux travaux très approfondis sur le ternaire corps-âme-esprit, ternaire que de nombreux auteurs appelle au secours de leurs démonstrations comme une évidence sans l’avoir jamais interrogée. Cette conception ternaire de l’homme, « une conception parmi un très grand nombre d’autres possibles » est « particulièrement mal connue de nos contemporains » note Michel Fromaget.
« Cependant, remarque-t-il, à la différence des autres, et notamment à la différence de la conception anthropologique dualiste moderne, qui ne connaît de l’homme – en tant que dimensions ontologiques, c’est-à-dire nécessaires à la définition de son être – que deux dimensions, le corps et l’âme, la conception ternaire, elle offre de l’homme une compréhension d’évidence plus réaliste, plus féconde et plus cohérente, plus profonde et plus subtile que toute autre. »
Il s’agit d’un paradigme, « un paradigme anthropologique ternaire » que Miche Fromaget considère comme général tant elle est présente à toutes les époques et en toute les zones géographiques.
Un paradigme détermine notre modèle du monde et véhicule présupposés, croyances, valeurs, critères, conditionnements et stratégies. « Un paradigme anthropologique, nous dit-il, ne décrit pas l’homme tel qu’il est fait, mais il fait l’homme tel qu’il le décrit. »
Michel Fromaget clarifie la notion de paradigme et celle de paradigme anthropologique avant de présenter la structure anthropologique ternaire, prenant en compte les possibilités et les limites du langage pour traiter de « l’homme considéré en son essence et sa totalité ». Ecartant les contre sens les plus courants, il aborde cette structure corps-âme-esprit en termes de compositions, de fonctions, d’actions sur le monde et de paradoxes, principalement concernant l’esprit qui est un avec l’amour. En filigrane, la question de la liberté.
Dans le chapitre consacré à la phénoménologie de l’esprit, il cherche encore à nous introduire non à son contenu, insaisissable, mais à ses effets, à ses fruits, que nous appelons « paix », « « joie », « amour », « émerveillement »… sans objet. Cette fois, en filigrane, la question de la conscience.
Le dernier chapitre est consacré à l’anthropologie ternaire du christianisme originel, soit celui des deux premiers siècles, le Concile de Trente marquant l’adhésion au paradigme dualiste de l’immortalité de l’âme, étranger au christianisme originel. S’appuyant entre autres sur Nicolas Berdiaev et Maurice Zundel, Michel Fromaget met en évidence trois marqueurs de cette anthropologie chrétienne première : la structure corps-âme-esprit, la seconde naissance (celle de l’homme complet) et une immortalité conditionnelle, optionnelle, en quelque sorte à conquérir par l’acceptation, par le choix libre et pleinement conscient.
L’anthropologie ternaire, particulièrement chrétienne, permet de s’extraire du marécage dualiste qui, grossièrement ou subtilement, nous rend aride et stérile. Ce livre est une opportunité de reprendre le sujet et de s’interroger : que savons-nous ? comment le savons-nous ?
Source : La Lettre du Crocodile