L’ouvrage, très construit, de Gérard Mayau est une opportunité de mieux comprendre la profonde originalité de la Franc-maçonnerie anglaise.
Celle-ci, nous le savons, ne reconnaît que trois degrés depuis 1813. Mais dans ce système apparemment simple viennent s’inscrire l’Arche Royale, la Maçonnerie de Marque qui éclairent et complètent ce système, lui-même socle d’une multitude de développements initiatiques dans un souci d’universalité et de fraternité.
Dans ce tissage traditionnel complexe, le rite Emulation tient une place essentielle. Il est question d’un « esprit » émulation nous dit Gérard Mayau :
« Il est d’usage, lorsque l’on parle d’Emulation, de lui attribuer un esprit spécial, qui serait fondé sur l’apprentissage « par cœur » des rituels et la rigueur mécanique dans l’accomplissement des gestes et des attitudes au cours des cérémonies. Ces deux particularités sont parfaitement exactes, mais il serait réducteur de les considérer comme constituant à elles seules un « esprit » qui serait différent des autres pratiques régulières de la Franc-maçonnerie. »
Gérard Mayau présente les caractéristiques de ce rite et son identité au sein d’une Franc-maçonnerie anglaise elle-même très différente de la maçonnerie française par son organisation, peu centralisée, et la liberté bien supérieure laissée aux loges.
Un chapitre est consacré à deux personnages clés de l’histoire maçonnique, Isaac Newton, à l’influence certaine sur la progression initiatique proposée en Franc-maçonnerie, et Jean-Théophile Désaguliers créateur et développeur de la Franc-maçonnerie spéculative.
Vient ensuite une longue étude du troisième degré, les origines, les sources alchimiques, l’importance de la prière, les cinq points de communion fraternelle, le mystère de « l’obscure clarté » (« darkness visible »), emprunté à Milton, qui oriente tout le troisième degré, le centre, les ornements, etc.
Ce n’est qu’après cette exploration que l’auteur retourne vers les premier et deuxième degrés sous l’éclairage cette fois de la maîtrise pour en examiner aussi bien des symboles que des vertus.
Dans le chapitre X, Gérard Mayau s’intéresse au sujet de l’obsolescence des symboles véhiculés par les rituels de la Franc-maçonnerie :
« Ses rituels ont traversé les épreuves du temps, les révolutions sociales et scientifiques, les guerres et les nouvelles idéologies, pour une raison simple : ils sont fondés sur les symboles.
Ces symboles ont perdu leurs repères en fonction de l’avancement de nos savoirs, mais ils n’ont pas perdu leur nature. Ce qu’ils symbolisent demeure présent au-delà de textes qui ont vu leur pertinence littérale s’estomper. Il s’agit en fait d’une Vérité qui dépasse les contingences de chaque époque, car elle est présente depuis que le hasard, ou Dieu, a donné une conscience à l’homo sapiens. »
Ce qui lui permet d’introduire par ces mots la conclusion du livre :
« Par son initiation progressive à tous les niveaux, le Franc-maçon aura pris conscience que chaque groupe humain, chaque civilisation a construit un dieu à son image et une religion adaptée à cette image. Cependant, il aura réalisé en même temps que chaque être humain doit posséder une conscience spirituelle qui le distingue du reste du vivant, une conscience universelle et intemporelle. C’est ce paradoxe que tout homme de réflexion, conscient de sa nature particulière, doit résoudre avec les outils intellectifs dont il dispose. »
Source: La lettre du crocodile