Solange Sudarskis explore dans cet essai la foisonnante plurivalence du mythe d’Hiram qui continue à nous surprendre avec bonheur tant il peut dire à travers les temps ce que nous sommes et les chemins de réalisation qui nous sont offerts. Le monde compagnonnique et le monde maçonnique se sont emparés de ce mythe fondateur pour le faire vivre, dans des styles et approches différents mais qui veulent pointer vers un même Réel.
Solange Sudarskis commence par nous conter la cérémonie maçonnique du grade de Maître qui met en scène, et parfois en œuvre, le mythe d’Hiram. Elle identifie les mythèmes qui conduisent à l’opérativité du rite : chambre obscure, chambre du milieu, tétragramme sur le bijou d’Hiram, acacia, rameau d’or, masque mortuaire, marche, coups, griffe, outils, équerre et compas, entre lesquels, traditionnellement, se trouve la Shekinah, etc. Ce cheminement lui permet d’évoquer la mort, le relèvement et la Parole perdue, en puisant dans diverses traditions, chrétienne, compagnonnique, alchimique, égyptienne, entre autres, laissant à chaque fois quelques indices pour ceux qui souhaitent approfondir, ce qui apparaît bien comme une voie du Corps de Gloire.
« Dans le rituel maçonnique, nous dit-elle, Hiram représente aussi le Soleil, plus idéalement la Lumière, celle dont il est question au début de la Genèse et celle de l’Evangile de saint Jean : lumière de l’esprit, intelligence suprême, connaissance de la chose en soi. Par la substitution du récipiendaire au héros mis à mort, Hiram réédite le mythe de la réintégration, c’est-à-dire le retour à l’unité qui permet de rassembler ce qui est épars. »
Voir du Corps de Gloire, ou Corps de Lumière, réintégration, voie héroïque, voie d’éveil… le mythe véhicule diverses expressions de voie de libération, nous sommes là dans l’essence même du mythe d’Hiram dont la quête de la Parole perdue constitue le fil d’Ariane.
Solange Sudarskis expose les différents rapports avec le mythe d’Hiram entretenus par l’Ordre maçonnique en ses différents rites : un personnage de légende, un personnage inspiré de Tubalcaïn, un personnage de mystification, un mythème, une fiction morale, une parabole christique, un mythe solaire, une époptie, une voie alchimique… Tous ces regards correspondant à des cheminements, à des états, qui font parfois étapes, vers une royauté spirituelle à conquérir. En recherchant les fonctions des différents personnages de la légende d’Hiram, c’est le processus initiatique lui-même qu’elle cherche à établir, processus qui conduit à la réédification du Temple dont nous savons qu’il est un Temple de l’Homme et un Temple en l’Homme. En invitant finalement le lecteur à ne pas confondre le symbole et le mystère, afin de ne pas étouffer le mystère sous l’interprétation symbolique, Solange Sudarskis réoriente avec beaucoup de justesse le travail maçonnique vers sa finalité, prenant en compte le syncrétisme, créatif, du mythe et les contradictions éventuelles inscrites dans ses diverses expressions selon les rites. En prenant de la hauteur, elle permet un vaste regard sur le jeu divin que le mythe veut rendre accessible.
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Source: La Lettre du Crocodile