L’épée tient une place centrale dans nombre de traditions de par le monde et tout particulièrement en Occident chrétien où la Chevalerie a laissé une empreinte durable à la fois dans l’ordre métaphysique, dans l’ordre philosophique et dans la symbolique initiatique.
La double dimension, protectrice et destructrice, de l’épée, en fait un objet aussi délicat à manier dans le combat que dans le symbolisme. Thomas Grison, par ce travail très pertinent, veut nous rendre les clés de son usage dans le monde initiatique en général, maçonnique en particulier.
C’est par la Bible que commence son étude. L’épée y est omniprésente, Yahvé étant un « Dieu de l’épée », une épée souvent associée au principe du feu. Thomas Grison note la parenté entre épée et bâton, manifestation d’un pouvoir « venu d’en haut » et « agréé par Dieu ». L’épée représente une justice divine souvent déléguée à un ange porteur de l’épée qui vient exiger la soumission à Dieu. Avec le Nouveau Testament se développe la résonance entre l’épée et la parole, avec ou sans majuscule. Le Christ est ainsi associé couramment à l’épée. L’Apocalypse de saint Jean accordera une place importante et singulière à l’épée.
Thomas Grison évoque assez longuement la question chevaleresque tant à travers la fonction du Chevalier anonyme, défenseur de l’Eglise, que des prototypes comme Arthur, « Chevalier idéal » ou Roland, « Chevalier martyr ». Il aborde la question de la sexualité, refoulée et maîtrisée, et de la fonction phallique de l’épée.
La dernière partie de l’ouvrage traite de la fonction de l’épée au sein de la Franc-maçonnerie et notamment dans le Rite Ecossais Ancien et Accepté et dans le Régime Ecossais Rectifié.
Ainsi pour le RER :
« Au Rite Ecossais Rectifié, l’épée apparaît dans un registre qui, sans doute, marque l’une des spécificités de ce rite. Ainsi, au moment de l’invocation du rituel d’ouverture de la loge, nous lisons que le « Vénérable Maître, debout à sa place, épée haute tenue de la main gauche et au signe d’Apprenti, se découvre ainsi que tous les Frères qui eux, tiennent leur épée, pointe contre terre ».
Cette position particulière des épées appelle quelques commentaires. Tout d’abord, il convient de signaler que l’épée haute tenure par le Vénérable Maître rend compte, au même titre que l’épée tenue en pal par le connétable du roi, d’un pouvoir qui vient d’en haut et qui a été accordée par le Grand Architecte de l’Univers, objet de l’invocation. Dans un geste qui pourrait paraître comme une réminiscence du geste accompli par Moïse lequel, élevant son bâton vers le ciel, invoque une puissance divine qui se manifeste sous la forme de tonnerre et de grêle, le Vénérable Maître muni de l’épée demande au Grand Architecte de « [bénir et de diriger lui-même] les travaux de l’Ordre ». Ici, nous sommes confrontés à ce qui apparaît clairement comme une tentative de mise en relation des membres de la Loge, représentés par le Vénérable Maître, avec une puissance céleste dont, pour l’occasion, le Vénérable Maître est le médiateur… »
De cet axis mundi particulier au RER aux multiples valeurs accordées par l’épée dans le monde de la tradition, c’est le rapport complexe, privilégié et opératif à l’objet initiatique qu’est l’épée qui est présenté par Thomas Grison.