Penser et faire penser, interroger les évidences. Il existe en Franc-maçonnerie, il devrait exister, une dimension philosophique marquée. Si elle n’est pas suffisante, si la philosophie n’est pas constitutive à elle-seule de la démarche initiatique, elle en est un composant indispensable.
En portant un regard maçonnique sur la philosophie et un regard philosophique sur la Franc-maçonnerie, René Rampnoux invite à passer de l’opinion à la pensée, d’approcher une discipline à la fois rigoureuse et passionnante.
« Une grande philosophie, rappelle Bruno Pinchard dans la préface, commence par prendre en charge les traditions errantes dans la conscience humaine, elle les rassemble avec un soin admirable, agissant quasiment comme des anthropologues avec des traditions très anciennes. »
Loin d’être une juxtaposition de concepts, la philosophie est un art de vivre. Être philosophe ce n’est pas enseigner la philosophie à l’université, c’est vivre en philosophe et ceci demande selon Bruno Pinchard un travail de mémoire. L’histoire des idées éclaire notre propre rapport au monde et René Rampnoux nous introduit au cœur de cette histoire :
« L’objectif de ce livre est double : décomplexer chacun face aux grands noms de la philosophie, voire donner envie de les fréquenter. Pour cela, je n’ai retenu que les auteurs dont les idées sont proches de nos interrogations, de nos pratiques maçonniques. Une sorte d’anthologie modeste où figurent les plus grands et ceux que j’aime, d’où sont écartés les trop difficiles ou abscons, comme Hegel ou Heidegger, ou ceux décrétés moins essentiels comme Augustin, Thomas d’Aquin, Avicenne, Averroès, Nicolas de Cues, Erasme, Giordano Bruno, Helvétius, Condorcet, Jankélévitch, Marcel Gauchet… pour une suite ? »
Dommage tout de même, Avicenne, Averroès, Nicolas de Cues ou Giordano Bruno sont essentiels à la compréhension du procès initiatique. Espérons cette suite.
« L’ouvrage, insiste l’auteur, ne comporte aucune opinion personnelle, ni interprétation, ni rapprochement forcé avec la Franc-maçonnerie ; c’est l’affaire du libre examen du lecteur. »
Une illusion bien sûr, qui commence avec le choix de tel philosophe plutôt que tel autre. Avec qui allons-nous cheminer ? Socrate, Platon, Aristote, bien entendu, Montaigne, Descartes, Spinoza, heureusement, Diderot, Kant, Nietzche, Auguste Comte qu’il est bon de rappeler, Freud, fallait-il ?, Jung, oui, Bergson, Bachelard, Sartre, fallait-il encore ?, Arendt, René Girard…
René Rampnoux sait rester à distance, dégager les noyaux d’une pensée mais aussi certains traits légers hautement significatifs. Il veut rendre le lecteur libre, tâche aussi ambitieuse qu’hasardeuse dans un monde à la fois conforme et configuré. Cependant, c’est là le principe même de l’initiation. La kaléidoscope de ce livre ne perd jamais l’Orient de vue.