Dans ce petit livre, très dense, Roger Dachez tente de traiter du rituel maçonnique dans ses diverses dimensions en faisant appel à l’anthropologie, à l’histoire et au symbolisme.
Il synthétise en quelques phrases la fonction essentielle du rituel maçonnique :
« Au quotidien, les rituels sont le ciment de la sociabilité maçonnique, la clé d’un sentiment d’appartenance à une communauté fraternelle, intellectuelle, morale, et spirituelle. Il ne peut y avoir de Franc-maçonnerie sans rituel. C’est bien davantage qu’un protocole, comme il en existe dans n’importe quelle réunion, qu’elle soit politique, professionnelle, scientifique ou associative : c’est ici une remise en ordre momentanée du monde, la création virtuelle d’un temps et d’un espace différents où les relations entre les présents se colorent de significations et d’intentions nouvelles, pour les extraire provisoirement de la réalité de chaque jour – « du monde profane », disent les maçons –, et tendre les esprits et les cœurs vers des préoccupations d’un autre ordre, vers des questions moins urgentes mais plus essentielles. »
Cette orientation marque l’édifice maçonnique en sa diversité et ses constances même si les rituels ne sont pas figés et évoluent au fil des temps. Eliade, Jung, Corbin, Guénon, Wirth sont au rendez-vous de ce livre pour soutenir la vision du rituel, nature, fonction, essence, développée par Roger Dachez. Il s’intéresse d’abord au sources du rituel maçonnique avant de s’interroger sur son caractère, sa qualité, initiatique. Le rituel, qui semble un « invariant anthropologique », s’il assure la cohérence d’une communauté, est aussi un appel à un approfondissement permanent de notre intimité spirituelle, individuelle et commune. Roger Dachez invite à prendre en compte la pluralité des regards. Il introduit le lecteur à certains d’entre eux et cherche à les articuler, les organiser en un ensemble signifiant.
« Le rite, dit-il, n’est autre chose que ce par quoi se transmet l’initiation. Mais quelle est sa vertu, quel est son ressort, comment agit-il ? De Wirth – avec sa réflexion sur l’alchimie symbolique supposée de la maçonnerie – et Guénon – pour qui le rite transmet, à l’insu même du récipiendaire, une « influence spirituelle » d’origine « non humaine » ; de Corbin, éclairant le « monde imaginal », lieu de l’imagination créatrice où les rites nous font tutoyer l’invisible, et Jung enfin, sollicitant l’inconscient collectif et ses archétypes, que les rites sont supposés activer pour permettre l’« individuation » : diverses approches -philosophique, théosophique, psychologique – sont nécessaires pour discerner la nature intime du rite.
C’est au confluent de ces grilles de lecture multiples, dont aucune n’est suffisante, que l’expérience initiatique des maçons peut enfin prendre sens. »
Le rite se vit avant tout. C’est sa pratique, sans cesse approfondie, par une conscience accrue depuis le pays du silence, qui en révèle sens et essence.
Source : La Lettre du Crocodile