Sept chemins sauvages Guy Seika

Guy Seika, artiste et moine zen, évoque dans ce livre la tradition des « moines fous » à travers sept personnages d’époques et de cultures différentes : Han Shan, Ryôkan, Ikkyu, Gary Snyder, l’Indien Cheval fou, Milarepa et Parvathy Bâul.

Ces personnages ont en commun ce que l’auteur désigne comme « trajectoire sauvage ». Ils se sont affranchis des codes aussi bien sociaux que traditionnels pour rechercher dans la nature et en eux-mêmes, ce qui était non conditionné, non travaillé, errant, brut, direct, sauvage… Guy Seika parle de « Dharma Punk » en référence à Jacques Kérouac.

« Il faut savoir qu’en Inde et en Chine, nous dit-il en introduction, les personnages s’engageant sur la Voie pour résoudre la grande énigme de la vie et de la mort allaient à l’encontre de nombreuses normes sociales et se retrouvaient souvent en porte-à-faux avec les autorités. Leurs postures brisaient les conventions et tendaient vers l’iconoclasme. Voilà pourquoi « punk » est particulièrement adapté à la manière d’être et d’enseigner de certains maîtres zen, sages taoïstes, tibétains ou hindous. D’ailleurs, l’approche philosophique de la Beat Generation pourrait être qualifiée de tantrique, puisqu’exprimant le désir d’utiliser les phénomènes pour accéder à la plus haute vérité, ou réaliser la plus haute vérité dans les phénomènes. En effet, ils accueillaient toute expérience comme une nourriture pour leur recherche, ce qui détonnait parfois avec l’idée que l’on se fait d’une pratique spirituelle. »

Tout pointe vers le Réel. Les sept personnages présentés se saisissent de ce qui se présente comme matière de leur démarche, peu importe que cela soit agréable ou désagréable.

Han Shan fut un lettré, inscrit dans son univers familial avant de tout quitter et prendre les routes buissonnières. Il vagabonde, devient Montagne dans une non-séparation permanente. Considéré comme fou, un vieil ermite l’inscrira dans la lignée des fous du Tchan. Les poèmes de Han Shan sont remarquables, ils sont spontanés, libres de toute relation sujet-objet et conservent leur puissance malgré la traduction.

C’est justement Gary Snyder, l’une des figures de la Beat Generation qui fut le premier traducteur des poèmes de Han Shan. Ces poèmes furent au cœur de la rencontre entre Gary Snyder et Jacques Kérouac.

Chacun des sept personnages rencontrés dans ce livre, certains nous sont plus familiers que d’autres, est présenté à travers une brève bibliographie et un choix de textes. Chacun est unique et manifeste la folie qui libère selon un style particulier. Parmi eux, une femme, Parvathy Bâul. Parvathy est une artiste Bâule. « Les Bâuls, précise l’auteur, sont les Bardes mystiques du Bengale. Parvathy Bâul danse et chante. Elle est aussi instrumentaliste, peintre, conteuse…

« Immobile et silencieuse, méditante, nous dit-il, elle sera l’incarnation du Vide primordial, matrice vibrante de tous les possibles. Alors, elle esquissera le geste provoquant le chant et la danse, la ronde du monde. »

« La chevelure folle, la respiration du sari, les vibrations et les saccades des instruments chevillés à son corps, la voix sorcière, pure et puissante, elle emporte les âmes dans son vent divin. »

A l’heure où les carcans de préjugés se font de plus en plus lourd, y compris dans les milieux spirituels, ce livre est une bouffée d’esprit libre et rappelle que la voie ne s’organise pas, qu’elle demeure par nature, intrinsèquement libre. Elle fera voler en éclats ce qui veut la contraindre, avec Joie !

Guy Seika pose cette question : « Et nous ? Où nous situons-nous par rapport à ces personnages ? » Et de répondre en ces termes :

« Wanshi disait : « Tout dans l’univers brille et prêche la vérité », même nos poubelles, même les lumières de Carrefour et Prisunic, même Johnny Rotten et son micro, même le rosier dans le jardin. Il suffit d’ouvrir les yeux, les yeux du cœur… C’est tout… »

Source: La lettre du crocodile

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