En Occident, quand nous parlons de bouddhisme, nous pensons généralement au bouddhisme tibétain alors que celui-ci, minoritaire, n’est pas représentatif du bouddhisme en général contrairement au Theravâda, pratiqué au Cambodge, Laos, Myanmar, Sri Lanka, Thaïlande, notamment. Mais qui s’est exporté dans le monde entier. Le Theravâda reste peu connu, en France particulièrement, bien qu’implanté depuis longtemps à travers les communautés d’Asie du Sud-Est installées dans l’hexagone, en raison du peu de communication et de publications disponibles.
Ce livre, très pédagogique, présente le bouddhisme le plus ancien, et aussi le plus proche du bouddhisme originel avec le Tchan, à travers 100 questions qui abordent l’essentiel du bouddhisme. Elles traitent du Bouddha, de la nature du bouddhisme, de la doctrine, du cycle de l’existence selon le bouddhisme, de la notion de karma, des divers plans d’existence, de la voie, de la méditation, de la vie religieuse, de la communauté, des relations entre bouddhisme, société et politique…
La notion de karma, si mal saisie en Occident à force de terribles simplifications, est développée dans sa complexité nécessaire et sa subtilité à partir des principes de coproduction conditionnelle et de la non-linéarité des procès.
« La « coproduction conditionnelle » est la traduction de l’expression paticca-samuppada ; ce nom et cette notion très complexes rendent compte de l’action consécutive et corrélative des différents facteurs aboutissant à la caractéristique de la souffrance.
Plus simplement, la coproduction conditionnelle démontre comment se produit dukkha et par conséquent comment cette production peut cesser ; elle est un approfondissement des « quatre nobles vérités » : lorsqu’un ascète lui demandait d’où provient la souffrance, si elle est causée par l’individu lui-même, si elle provient de quelqu’un ou de quelque chose d’autre, ou si elle est le fruit du hasard, le Bouddha lui répondait par l’enseignement de la coproduction conditionnelle… »
L’interdépendance totale, la non-linéarité permettent d’approcher la réalité et la beauté du karma qui n’est pas qu’une simple causalité linéaire au sein d’une temporalité figée.
Le Theravâda diffère d’autres systèmes comme le Mahâyâna par la fonction dévolue à la vacuité :
« La notion de « vacuité » (sunnata), dans le bouddhisme des Therâ, désigne d’une part le fait que toute chose est sans essence, (anattatâ) et d’autre part la libération à laquelle le méditant accède lorsqu’il discerne parfaitement cette « absence d’essence » ».
La méditation est donc parfois présentée sous la forme d’une voie graduelle d’accès à la vacuité (…)
Pour le Theravâda, il n’y a, sous la réalité du monde ou de l’individu, rien d’essentiel ou de substantiel qui serait sa « vraie nature ». La « vacuité » n’est rien d’autre que cela.
Elle est sans rapport avec le nibbâna.
Ce « réalisme » du bouddhisme le plus ancien est donc sans commune mesure avec le rôle central, voire unique, conféré à la « vacuité » par les systèmes philosophiques « idéalistes » tardifs du Mahâyâna. »
Ces deux exemples nous indiquent à quel point cet ouvrage sera utile à celui qui veut nuancer sa compréhension du bouddhisme ou des bouddhismes. Si, comme le rappelle l’auteur, « Le Bouddha décrivait ainsi son enseignement : « Je n’enseigne que deux choses : la souffrance et la cessation de la souffrance. » », soit une approche très pragmatique du quotidien, les développements de cet enseignement ont pris des formes multiples qui ne doivent pas nous éloigner de la finalité première, très réaliste, de l’enseignement du Bouddha.
Outre des clarifications de notions ou concepts philosophiques ou métaphysiques, l’ouvrage aborde les questions de nourriture, de sexualité, de moralité du point de vue très tolérant du Theravâda ou répond à des questions comme « Comment méditer ? », « Peut-on prédire l’avenir ? », « Pourquoi n’y-a-t-il pas de nonnes ? », « Existe-t-il une politique bouddhiste ? »…
Didier Treutenaere allie dans ce livre le souci de clarté et le respect de la subtilité de la pensée bouddhiste.