Cette somme d’environ mille pages est la démonstration même du renouveau de la métaphysique que l’occident avait prématurément enterrée avec Kant au bénéfice de l’herméneutique, de la phénoménologie, des sciences cognitives et de philosophies éloignées de toute métaphysique.
Frédéric Nef montre tout d’abord que la métaphysique est bien vivante avec des philosophes comme Russell, Mc Taggart, Whitehead, Armstrong, Kripke, Lewis… et qu’elle traverse aujourd’hui une période de mutation qui laisse présager des heures heureuses pour les métaphysiciens.
A la question Qu’est-ce que la métaphysique ? Frédéric Nef répond :
« L’expression « la métaphysique » peut s’avérer trompeuse. La pluralité des approches et le caractère récurrent des disputes constituent même un argument fréquemment avancé pour justifier le bien-fondé des critiques kantiennes et leur actualité.
Les métaphysiques actuelles seraient un Kampfplatz où aucun accord ne se dégage, où même les consensus minimaux sur la méthode et la définition de la discipline font défaut. A la vérité, même si l’on ne peut nier la nature quérulente de la métaphysique (dont on pourrait montrer l’aspect positif), on doit noter que si une métaphore convient ce n’est pas celle du champ de bataille marqué, dans l’imaginaire, par le chaos et la mort, mais plutôt celui d’une compétition entre des programmes de recherche (Popper) en métaphysique parfaitement identifiés et structurés. On peut citer (sans ordre de préférence et sans aucun souci d’exhaustivité) : la métaphysique des mondes possibles, quelquefois liée à un réalisme modal fort (Lewis), le réalisme modéré des universaux sous toutes ses formes (Armstrong, thomisme analytique), la théorie des objets (Meinong et les néo-meinongiens), la métaphysique des particuliers (ou tropes)… Ce qui milite en faveur de l’existence de programmes de recherche métaphysique, c’est essentiellement deux ordres de faits.
D’une part, il y a une possibilité de débat rationnel entre les partisans des différents programmes. On ne constate pas d’incompatibilité de paradigme générant des opacités communicationnelles absolues, pas de fossés épistémologiques infranchissables. Les querelles en métaphysique ont pris la forme normale d’échanges d’arguments et d’évaluations en forme. (…)
D’autre part, ces programmes acceptent un réseau de normes minimales et de critères intellectuels communs. Aucune métaphysique ne revendique plus de fonder une connaissance a priori sur la possession de pouvoirs supramentaux, du type d’une intuition métaphysique sui generis, ou d’une vision directe de l’absolu. On a en général renoncé au ton oraculaire, aux déclarations fracassantes. Aucune métaphysique n’accepte d’un cœur léger d’être ouvertement contradictoire et la découverte d’une contradiction logique est perçue le plus souvent comme une incitation à réviser la théorie, à à en examiner à nouveau certains attendus. L’argument d’autorité, mis à mal par les cartésiens, n’a plus refait surface… »
Ce livre, qui n’est pas une histoire de la métaphysique, aide toutefois le lecteur à mieux cerner ce que serait une histoire de la métaphysique, mais aussi une histoire de la philosophie et l’apport de l’une et l’autre de ces disciplines à la psychologie.