L’ouvrage magnifiquement conçu et illustré par l’architecte et designer franco-italien Jean-Marc Shivo démontre combien l’art du jardin peut être initiatique. Certes, depuis le XVe siècle, Le Songe de Poliphile, de Francesco Colonna, inspire les écrivains et les artistes, dont les concepteurs et architectes des jardins mais Jean-Marc Shivo démontre que le XVIIIe siècle rassembla des conditions exceptionnellement favorables à un déploiement et un renouvellement de l’art, initiatique, des jardins, marqué par les valeurs de liberté véhiculées par les Lumières.
Dès les premières pages, Jean-Marc Shivo insiste sur le lien entre l’art des jardins et la conception de la Nature selon les alchimistes mais aussi, comme un prolongement, entre l’art des jardins et la Loge maçonnique. Dans une « promenade initiatique », il évoque les éléments naturels ou les constructions humaines qui font symboles ou mythèmes au sein du jardin : colonnes, tours, pyramides, ponts, ruines, cavernes, forêt, rochers, eau, arbres, fruits, fleurs… qui, mis en scène, orchestrés, structurent l’imaginaire dans sa dimension initiatique. Que le jardin soit pittoresque, poétique ou romanesque, l’esthétique sert à l’orientation, consciente comme inconsciente, de la pensée qui se fait davantage créatrice, inclusive, aventurière.
« Le jardin, nous dit Jean-Marc Shivo, diversifié par ses créateurs et adapté à une nature différente selon les endroits, joue un rôle de réconciliateur.
Conçu à travers une série d’éléments de sensibilisation, le jardin, laboratoire d’idées et de confrontations permanentes, nous aide ainsi à devenir responsables envers cette nouvelle liberté pour réaliser une vision universelle du monde, une nouvelle alliance entre la nature, l’homme et la société. »
Le livre lui-même est une déambulation dans des jardins d’Angleterre, de France, de Belgique, d’Allemagne, de Pologne, de Suède, de Russie et d’Italie. L’imagination qui se libère au XVIIIe siècle permet de jouer avec les temporalités et les espaces géographiques et de juxtaposer des éléments de périodes ou de contrées différentes mettant ainsi l’accent sur un sens plus intériorisé, une narration plus intime et spirituelle. Ce sont près de quatre-vingts jardins qui nous sont offerts, autant d’incitations au voyage, autant de questionnements sur notre inscription dans la nature, l’être humain étant l’un de ses composés.
« Ces jardins, écrit encore Jean-Marc Shivo, grâce à une conception paysagère renouvelée, assurant la diffusion dans la ville d’un message innovant, deviennent lieux de réunion, de convergence, de plaisir, de manifestations sociétales ainsi que de méditation individuelle.
Leur végétation, les parcours d’eau et les architectures diversifiées permettent de retrouver la symbolique de l’architecture des temples et des lieux sacrés, actuels, et d’antan, à l’extérieur dans une dimension bien plus vaste, à travers un parcours sensoriel, véritable promenade initiatique, ponctuée de références littéraires, philosophiques et géographiques. »
Le texte, tout à fait captivant, et les illustrations, photographies et documents, savamment choisies, nous conduisent dans les subtilités de l’art du jardin et nous transmettent, peu à peu, un véritable langage, porteur d’initiation certes mais aussi de sociabilité. Cette lecture, cette découverte, transformera notre façon de déambuler dans les jardins quels qu’ils soient.
Site de l’auteur : http://www.jmschivo.com/
Source : La Lettre du Crocodile