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L’originalité et la force de ce livre résident dans le choix de la petite histoire pour donner sens à la « grande » histoire.

L’histoire est avant tout celles d’êtres humains, de familles, de groupes sociaux. Elle est constituée d’expériences parfois mises en mots. Ces discours sur le réel seront la matière exploitée par les historiens. Le retour à l’expérience singulière de chacun permet de s’extraire de la doxa pour rencontrer ce qui fait notre humanité avec toutes ses contradictions et toutes ses richesses.

Nicolas Saudray a choisi douze familles de son arbre généalogique dont l’histoire particulière, retrouvée peu ou prou, nous fait traverser les temps et les lieux : la Normandie, très présente, les Ardennes, la Picardie, la Bretagne, la Flandre, l’Auvergne, le Languedoc…

En situant depuis le XIVe siècle, chaque moment retrouvé de ces familles dans le contexte politique, social et religieux de l’époque, Nicolas Saudray tisse une trame historique vivante et réaliste et fait voler au passage quelques préjugés sur les sociétés du passé :

 

« L’ancienne société était beaucoup moins figée qu’on ne le croit. Des hommes résolus pouvaient y faire leur chemin. Pour les Thiboust, les Cahart, les Prioux, l’ascension s’est effectuée sur deux générations, en grande partie grâce à l’Armée. Aux Deneirouse, une génération a suffi : le fils d’un ouvrier en chambre est devenu d’un bond un chef d’entreprise qui gagnait des médailles d’or aux expositions universelles. Nombreux en conséquence, étaient des mariages inégaux. A l’opposé, les Haussy, déjà pourvus au XIVe siècle d’assez belles situations en leur ville de Péronne (Somme), n’ont accédé à des postes vraiment élevés (député, président de chambre de la Cour de cassation) qu’au bout de dix générations.

Quand on parle de mobilité sociale, on oublie toujours les descentes, inévitables contreparties des montées. Il n’était pas toujours facile à un gentilhomme de tenir son rang. Mes ascendants en offrent quatre exemples : les Heuzey devenus chapeliers, les La Chapelle (ancêtres des Prioux) engendrant des meuniers, les La Sauldraye devenus Saudray et marins de rang modeste, enfin les Haussy, victimes, à cet égard, de la révolution. »

Au fil des pages, les destins de familles et de lignées se dessinent. Parfois, ils semblent se construire selon la volonté de quelques membres de la famille, parfois les événements les portent ou les déportent. Cette mise sous le regard, a posteriori, de la traversée des temps par douze familles permet de mieux comprendre comment l’être humain s’inscrit dans l’histoire et souvent fait face à elle, comment les valeurs se transmettent, se transforment, se perdent. En effet, les guerres sont très présentes dans ces parcours, avec leurs cortèges de souffrances.

En suivant ces douze familles, nous apprenons beaucoup sur la vie quotidienne qui fut la leur. Nicolas Saudray use d’une très belle image : « nous avons assisté à une histoire de France vue d’en-dessous ». Cette vue inattendue nous touche plus spécialement. Par un effet de miroir, elle nous rappelle à nos propres lignées, identifiées ou non, dont nous sommes les fruits. En lisant ce livre, nous apprenons tant sur l’histoire si complexe de ce pays, la France, que sur nos propres constructions identitaires et sur notre place peu assurée dans le temps et dans l’espace.

Site de l’auteur : https://www.nicolas-saudray.fr/

Source : La Lettre du Crocodile

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