Attention chef d’œuvre ! Nous n’avons pas trop envie de vous présenter ce texte exceptionnel qui fait perdre pied dès les premières pages mais seulement de vous « sommer » de le lire. Vous serez autre après sa lecture, peut-être même méconnaissable. En tous les cas, plus proche que jamais de ce que vous êtes réellement.
C’est un grand texte, à la fois classique, poétique, et surréaliste (au sens où il côtoie le surréel). Nous y retrouvons arts, sciences, traditions initiatiques au service d’une quête de l’intervalle, d’une errance décalée et cependant si ordinaire.
« J’ai traversé la voie ferrée qui se trouvait de l’autre côté du parc et où je n’avais jamais vu passer un seul train, et, comme je l’avais pressenti, un lieu sans équivalent au monde s’est ouvert devant moi. A la façon dont tout lieu semble nouveau, quand on a quatre ans à peine. L’état d’hallucination et de rêverie t’accompagne en permanence, jusqu’à ce que les traces mnésiques, dans ton cerveau, se couvrent de durillons. Tout nouveau paysage est fabuleux et insolite en soi, même s’il paraît très banal en réalité, car « en réalité », « pour de vrai », « c’est ainsi » sont encore des expressions dépourvues de sens, pour celui qui perçoit la réalité comme nous la percevrons nous, plus tard, dans les premiers souvenirs ou dans le rêve. »
« On est lentement revenus à nous comme au terme d’un voyage mystique ou d’un trip à l’héroïne, nous écroulant en nous-mêmes comme après un orgasme dévastateur, consumés et ravagés de l’intérieur. Le vieil homme qui avait crié lui aussi avec nous contre la mort de la lumière roulait des yeux égarés et quand les cris d’appel à l’aide étaient déjà presque tous éteints, il a levé le bras et le silence total est retombé. J’ai de nouveau regardé les visages, à moitié plongés dans l’ombre et à moitié dans la lumière dorée provenant des portes du cabinet dentaire, de ceux qui venaient de protester contre la suprême tyrannie de l’illusion et de la finitude. Les gens avaient retrouvé leurs esprits et la détermination remplaçait la peur et le manque d’espoir : ils allaient lutter jusqu’au bout. »
Source: La Lettre du Crocodile