Ce roman d’aventures, très autobiographique, qui couvre plus de cinquante années d’une vie trépidante, est plein d’enseignements sur ce qu’est l’être humain, sur sa nature hautement sociale.
Yann a le goût des autres et le goût de l’aventure, particulièrement de l’aventure africaine, toujours bouleversante.
« L’agent d’état civil de la mairie de Brive-la-Gaillarde ayant refusé d’enregistrer le prénom Yann choisi par mes parents, ceux-ci optèrent dans la précipitation pour Yves. Cette double appellation, l’une administrative, l’autre affective, va certainement participer à l’émergence de ma personnalité ambivalente. Tout à la fois effacé, respectueux, je réponds docilement aux injonctions de l’enfance, fais plaisir, sois fort, sois parfait, dépêche-toi, fais des efforts ! Dissimulant les démons tapis dans les demeures de mon château intérieur, hanté par le vertige métaphysique de « 2001 l’odyssée de l’espace », la folie délirante de « Vol au-dessus d’un nid de coucou », la sauvagerie de « Délivrance », les torrides et lascives contorsions reptiliennes de Carole Laure dans « La mort d’un bûcheron », l’ultra-violence d’« Orange mécanique » et l’érotisme rafraîchissant de Jane Fonda dans « Barbarella ».
Qui se cache dans Yann ? Qui se cache dans Yves ? Parfaite illustration de « L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde ».
Ces singularités, je vais les mettre à profit au fil du temps pour dépasser mes limites intellectuelles. Me fondre dans la masse, faire le caméléon, nouer des amitiés, au final, aimer les gens. Ce qui me fait dire aujourd’hui « La seule chose qui vaille dans la vie, ce sont les rapports humains ».
Beaucoup de lecteurs de la génération de Yann, qui a vu ou fait exploser les carcans et préjugés hérités des années 50, pour mordre la vie à pleines dents, se retrouveront dans le train des rencontres qu’il met en scène chronologiquement dans son livre.
Nous découvrons, ou nous rappelons, des temps où tout semblait possible, où l’aventure était au coin de la rue aussi bien qu’à des milliers de kilomètres, où la liberté n’était pas soumise à autorisations multiples. Les contradictions des êtres humains, qui fondent bien souvent leur richesse, apparaissent dans leurs relations, les dits et les non-dits, le visible et le caché. Chocs des individus, chocs des cultures et malgré tout la rencontre, il s’agit de se faufiler dans le modèle du monde de l’autre pour en apprécier toutes les possibilités.
Il s’agit avant tout d’expériences partagées, de découvertes, d’une vie qui se déploie, avec ses joies et ses souffrances, parsemées de références cinématographiques, télévisuelles, littéraires, chansonnières… de photographies aussi, qui viennent témoigner ou souligner. La mémoire est étrange. Par ses choix et ses oublis, elle dit beaucoup sur nous-mêmes et sur le monde. Elle reste charnelle, c’est ce que dit le corps qui compte, loin des commentaires distanciés et conceptuels.
Yann Bienaimé sait que les souvenirs peuvent être trompeurs, il sait aussi qu’ils sont une vraie matière de la vie. Les jeter sur le papier n’est pas anodin, c’est toujours délivré un message et tenter de résoudre l’énigme qu’est toute expérience humaine.
Source: La Lettre du Crocodile