Le Grand Orient de France pendant la première guerre mondiale

Plusieurs raisons, certaines personnelles et familiales, d’autres intellectuelles et culturelles, ont conduit François Cavaignac à s’intéresser à la vie du Grand Orient de France de 1914 à 1918.

Sa recherche est basée sur trois sources différentes : les comptes-rendus annuels de réunion du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France, les bulletins hebdomadaires des loges de la région parisienne et les textes généraux qui régissent le fonctionnement du GOdF.

François Cavaignac est très conscient de l’apport inestimable des sources mais aussi de leurs limites, tout n’est pas inscrit dans un procès-verbal de réunion. Il a voulu éviter trois écueils, « l’assoupissement de l’esprit critique au fil des lectures répétitives », le risque de décontextualisation, le risque de censure ou d’autocensure.

L’idée courante, remarque François Cavaignac, sur cette période terrible est que le Grand Orient de France a été très touché dans son fonctionnement comme dans ses membres par le conflit. De manière inattendue, sa recherche démontre que le GOdF, dès la fin de l’année 1914, reprend ses activités, tant au niveau du Conseil de l’Ordre que de ses loges. Il y a donc une continuité fonctionnelle, certes perturbée par les événements, qui est assurée.

Le Conseil de l’Ordre, installé en 1913, malgré quelques décès ou démissions, sera stable durant la guerre et la grande expérience de ses membres, dont l’orientation au début de la guerre est nettement à gauche, va favoriser la continuité de l’activité et préserver administrativement et financièrement l’obédience.

L’étude des bulletins des loges permet d’approcher la vie des loges maçonniques pendant la guerre. Souvent, les travaux demeurent réguliers malgré les aléas. La position des loges vis-à-vis du conflit, l’effort de solidarité, les décès, les contestations contre l’action du Conseil de l’Ordre, apparaissent dans les documents. Des polémiques internes à l’obédience se développent de 1915 à 1918, jusqu’au Convent de 1918 qui marque un retour à la stabilité.

François Cavaignac consacre une partie de l’ouvrage aux orientations idéologiques au sein des loges au cours de cette période. Il note entre autres « un engouement en faveur de la Révolution russe », « une crainte du grignotage des acquis de la République », le rapport toujours complexe au pacifisme, la priorisation des questions économiques et sociales plutôt que politiques, une incapacité à prendre en compte l’entrée des femmes, attendue par beaucoup, dans la Franc-maçonnerie, à dépasser les stéréotypes et abolir les discriminations.

Par sa structure et sa volonté de clarté, l’ouvrage permet au lecteur d’avoir une vision globale des mouvements internes au Grand Orient de France et de ses rapports avec l’extérieur pendant ces quatre années de guerre pendant lesquelles les idéaux maçonniques se heurtèrent à de sanglantes réalités.

Source: La lettre du crocodile 

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