Frédérick Leboyer a changé notre approche de la naissance avec ses méthodes sans violence. Avec le succès de son livre, publié en 1974, La naissance sans violence, et ses nombreux travaux, il a grandement influencé l’obstétrique des hôpitaux et maternités du monde entier.
Frédérick Leboyer, Freddy, est arrivé en Inde en 1963. Il rencontra à maintes reprises Swâmi Prajnânpad. A partir de 1966, il a tenu un journal de ces rencontres. Les entretiens rassemblés dans ce livre se sont déroulés du 7 janvier au 11 février 1966, dans une période d’instabilité pour Frédérick Leboyer. Certains entretiens furent enregistrés et transcrits.
L’ouvrage est remarquable par l’intensité du dialogue entre la souffrance de Frédérick Leboyer, ses contradictions, vécues au plus profond de lui-même, et la tranquille et simple réassurance portée par Prajnânpad qui, invariablement, nous fait partir ou repartir de là où nous sommes, très exactement.
« La confusion vient de l’identification, du transfert, de la projection. C’est essayer de faire de deux choses une seule et ne pas voir que ces deux choses sont différentes et que chaque chose est à sa place. Personne ne peut torturer un autre. Personne ne peut contraindre un autre. Personne ne peut tolérer aucune imposition, car on est plein en un sens, d’une attitude majestueuse : « Oui, je suis tout. » Et ce sentiment de « Je suis tout » s’exprime à travers cet ego à sa manière, à sa place. Ce n’est pas mauvais. C’est ainsi. »
Beaucoup de thèmes abordés par Frédérick Leboyer et interrogés subtilement par Prajnânpad vont être constitutifs de l’art développé plus tard par Frédérick Leboyer au bénéfice des bébés et des mères comme plaisir et souffrance, féminin et masculin, mère et fils, karma, désir et tourbillon… Toutefois c’est l’ensemble du processus accompagné par Prajnânpad qui permet à Frédérick Leboyer de s’arrêter, de se poser et de se libérer d’un filet pesant de conditionnements qui sont aussi les nôtres. Prajnânpad introduit progressivement la nécessité d’une saine validation.
« Votre vie s’intéresse à l’extérieur. Vous ne pouvez pas l’ignorer. Acceptez-le. Voyez où vous êtes. Soyez-y aussi loin que vous pouvez l’être. Ne vous laissez pas entraîner. Tout d’abord vous êtes l’acteur, le sujet positif : « Oui, je sens mes attirances. » Voyons pourquoi je suis attiré, jusqu’à quel point, avec quelle intensité. J’ai déjà compris, déjà vu. Calculez, réfléchissez et voyez si tout va bien, si vous sentez : « Je suis toujours intéressé… » Donnez-vous un peu de temps. Au départ, l’extérieur vous entraîne, juste comme un enfant. Progressivement, la conscience s’installe : « Oui, je suis entraîné, je sens que j’ai été entraîné. J’étais une non-entité. Je sens maintenant que l’attraction est en moi. » Vous ressentez l’attraction, mais vous n’êtes pas entraîné. Donc, vous vous tenez debout. Et si vous sentez : « Je dois l’avoir, sinon il n’y a pas de repos. »
C’est bon. Allez-y et voyez ce que c’est. »
Avec simplicité, Prajnânpad conduit de l’extérieur à l’intérieur de l’instable au stable, du conditionné à la liberté. Il abolit les frontières, fait travailler les pensées comme une matière première, établit un rapport apaisé à ce qui s’exprime, et ramène inlassablement au centre, à soi-même.
« Vous souvenez-vous de ce que vous avez dit ? « Les gens, en Inde, essaient toujours de rester des enfants et prennent un gourou pour cela. » C’est tout à fait juste. Mais ce n’est pas l’Inde, Freddy. C’est la condition dégradée de l’Inde. Parce qu’en Inde, on est toujours appelé à se connaître soi-même, à dépendre de soi-même.
Swamiji essaie seulement de vous mettre sur vos pieds. Vous devez savoir que la véritable indépendance est une dépendance consciente. Je sais ceci, je ne sais pas cela. Je vais le prendre d’un autre, et ensuite, faire dépend de moi et de personne d’autre. Swamiji peut seulement montrer le chemin. Marcher dépend de vous. Swamiji ne peut pas marcher pour vous, Swamiji ne peut pas digérer la nourriture pour vous. »
La mise à nu tranquille des fonctionnements conditionnés opérée par Prajnânpad concerne chacun d’entre nous. D’une rare efficacité, l’observation chirurgicale des méandres que nous empruntons, autant de fuites, permet de retrouver le chemin de la simplicité, le chemin du particulier, le plus direct.
Source: La Lettre du Crocodile