Les mythes chevaleresques restent très présents en Franc-maçonnerie et en constituent une ressource spirituelle et éthique majeure.
C’est au siècle des Lumières que ces mythes porteurs de l’idéal chevaleresque du Moyen-Âge glissèrent, non sans transformations, au sein de la Franc-maçonnerie. Pierre Mollier, par cette étude, met au jour les origines de la Chevalerie maçonnique. Et c’est tout à fait passionnant.
Une fois n’est pas coutume, nous commencerons par les annexes qui font la moitié de l’ouvrage. Elles sont d’importance : I – Des Compagnons Chevaliers au XVIème siècle ; II – L’histoire des Templiers… telle qu’on la voyait au XVIIIème siècle ; III – les Templiers, l’Ecosse et la Franc-maçonnerie ; IV – Quand André-Michel de Ramsay devint… vraiment chevalier ; V – Un « archéo-Kadosh » en 1750 : L’Ordre Sublime des Chevaliers Elus ; VI – Aux sources du 30° grade du REAA, le rituel de Chevalier Kadosh d’Etienne Morin et du Rite de Perfection ; VII – Les Stuart et la Franc-maçonnerie ; VIII – Les Chevaliers de Malte et la Franc-maçonnerie.
Cet ensemble, pour le moins, intrigue. Les annexes nous indiquent la volonté de l’auteur de chercher ce qui se trouve « avant avant », de questionner ce que Roger Dachez désigne comme « le roman des origines ». Ce dernier en dit d’ailleurs tout l’intérêt :
« La place de la chevalerie dans la pensée maçonnique ne doit certainement pas se concevoir en termes de filiation, d’héritage institutionnel – voire patrimonial, pour les incorrigibles nostalgiques du « trésor des Templiers » ! – mais comme un moyen de rattachement intellectuel et donc bien réel à une tradition culturelle majeure de l’Occident chrétien. »
Le renouveau de l’intérêt pour la chevalerie au XVIIIème siècle est inséparable du renouvellement des idées qui va parcourir ce siècle. L’imaginaire chevaleresque trouve dans ce contexte une opportunité de se transformer. L’ouvrage n’est pas seulement un livre historique, Pierre Mollier s’intéresse aux contenus initiatiques et aux apports possibles à la pratique maçonnique de l’époque. La pérennité de l’imaginaire chevaleresque n’évitera pas, bien sûr, la question templière, qui continue à agiter certains rites. Pierre Mollier cerne la « constitution d’une légende » avant d’étudier « les trois plus anciens exemples de pratique de hauts grades chevaleresques dans la Franc-maçonnerie du XVIIIème siècle » : Chevalier de Saint-André, Chevalier d’Orient, Chevalier Kadosh, apparus respectivement en 1742, 1748, 1749 sans préjuger de leur présence antérieurement. Au XVIIIème siècle, la croyance en un lien tangible entre l’Ordre du Temple et la Franc-maçonnerie est courante.
Les sources de ces trois grades restent un mystère, confie Pierre Mollier. Au contraire, leur postérité et leur influence peuvent être aisément retracées. Toutefois, Pierre Mollier pose une hypothèse très intéressante :
« Dans le domaine des rituels maçonniques, l’ancienneté étant synonyme de simplicité, on peut imaginer que tous trois dérivent d’un archéo-grade chevaleresque qui n’aurait consisté qu’en un adoubement assorti d’un commentaire symbolique assez élémentaire… Le corpus légendaire aurait été développé par la suite sur ce noyau primitif, ce qui expliquerait des variantes. L’analyse des plus anciens rituels de Chevalier de l’Orient appuie cette hypothèse, la cérémonie comprenant deux parties bien distinctes : un adoubement après lequel prend place une longue lecture où l’on présente la légende du grade. Le peu que l’on peut supposer quand au rituel de Chevalier de Saint-André laisse entrevoir quelque chose de similaire. »
L’étude permet d’envisager une création beaucoup plus précoce des hauts-grades que celle admise généralement. L’ancienneté de l’idéal chevaleresque au sein de la Franc-maçonnerie est suffisamment étayée pour reconsidérer les processus à l’œuvre dès les premiers temps de la Franc-maçonnerie. Beaucoup de questions demeurent ouvertes mais les réponses déjà apportées par Pierre Mollier éclairent de nombreux points obscurs.
Source: La Lettre du Crocodile