Elles furent un objet de recherche et d’expérimentation dans les universités, principalement américaines, avant d’être diabolisées après les années 60. Psilocybine, mescaline, ayahuasca, iboga, kétamine, MDMA, LSD et d’autres, font partie des substances psychédéliques (PDL) à fort potentiel thérapeutique.
Certaines font partie de la pharmacopée traditionnelle depuis des siècles, parfois des millénaires. Elles reviennent sur le devant de la scène universitaire américaine et annoncent une révolution dans la prise en compte de plusieurs pathologies comme la dépression ou l’addiction grâce aux travaux de la dernière décennie. Une seule prise peut dans certains cas soigner des pathologies sévères et résistantes aux autres traitements.
Au-delà de la dimension strictement thérapeutique et avec elle, ces substances permettent un nouveau paradigme de la conscience. Elles favorisent une meilleure connaissance du fonctionnement du cerveau et de la conscience.
L’ouvrage fait le point sur l’apport des recherches les plus récentes, sur les perspectives offertes, sur les questions médicales, sociétales, éthiques et philosophiques qui se posent. Exemple avec cette hypothèse avancée par les auteurs :
« Nous faisons l’hypothèse que les changements biologiques majeurs constatés dans le fonctionnement cérébral lors de la prise de PDL ne « créent » pas l’expérience mystique et les changements positifs et durables observés dans la personnalité, mais plutôt qu’ils la facilitent, la catalysent. Ce serait la connexion au champ de la Conscience qui provoquerait le changement du fonctionnement cérébral ET, en même temps, l’expérience spirituelle transformatrice. Nous ne « créons » pas avec nos cerveaux l’expérience mystique, elle est déjà « en attente » dans des champs de Conscience extérieurs à ceux-ci ; la Conscience étant une propriété fondamentale de l’univers qui serait première et précéderait ontologiquement la matière. »
Ce sujet est traité en fin d’ouvrage. La plus grosse partie de l’ouvrage aborde l’usage thérapeutique des substances les plus étudiées, substance après substance. Les auteurs commencent par la kétamine, la plus facile à étudier et la plus utilisée. Elle fut classée comme stupéfiant par la France en 2017 alors qu’en Amérique du Nord, elle est très utilisée sous de nombreuses modalités pour des pathologies psychiques nombreuses. Ils poursuivent par la MDMA dont l’utilisation pour traiter les états de stress post-traumatique semble prometteuse avant de rouvrir le dossier du LSD, le plus connu mais le moins étudié ces dix dernières années. L’usage du LSD permet des explorations surprenantes mais n’est pas sans danger :
« De manière générale, ce sont toutes les grandes notions et toutes les grandes intuitions philosophiques et existentielles qui peuvent soudain prendre vie et rendre à nouveau la vie infiniment mystérieuse et intéressante. Il ne faut pas exclure que l’antichambre de ce genre de révélations abruptes ait pu conduire certaines personnes à l’hôpital psychiatrique ou dans des déstructurations problématiques, mais c’est une question complexe qui est liée à la mitoyenneté de certains états de vertiges mystiques avec la folie au sens large. Un individu peut revenir apaisé et bienheureux de l’incursion induite par le LSD dans le domaine transpersonnel et sans aucun besoin de renouveler l’expérience, mais il peut aussi perdre pied et se retrouver dans un état plus ou moins problématique pendant un certain temps, pour intégrer dans l’équilibre son expérience avec son quotidien terrestre et son humanité. Cela fait partie du rôle de l’accompagnement – et idéalement d’une permissivité sociale – de faciliter cet équilibrage qui débouchera pour l’individu sur plus d’intelligence et de compassion. »
Avec les champignons hallucinogènes, certains cactus, l’ayahuasca ou l’iboga nous entrons dans le domaine traditionnel et une vision holistique et complexe de la guérison. Là encore, et tout particulièrement pour l’iboga, il faudra attendre d’autres études et des changements législatifs pour que les vertus médicinales de ces productions de la nature puissent être pleinement exploitées. La tension entre modernité et tradition est manifeste dans le traitement légal accordé à des substances psychédéliques naturelles selon les régions du monde et les cultures.
Le travail très argumenté et réfléchi des auteurs, enrichi par de nombreuses contributions de spécialistes, permet de mesurer les enjeux de société et la richesse thérapeutique des substances psychédéliques. Après des décennies de fermeture, les sciences s’ouvrent de nouveau à l’évaluation de leurs bienfaits. Comme dans d’autres domaines, hypnose ou transe, la France, contrairement aux Etats anglo-saxons, ou, en Europe, des pays comme la Belgique, est à la traîne et risque fort de passer à côté d’une révolution majeure qui dépasse le sujet des applications thérapeutiques. Les auteurs prônent pour une approche équilibrée et raisonnée évitant à la fois angélisme, prosélytisme et diabolisation comme désinformation.