C’est un livre singulier, sans doute comme son auteur, informaticien passionné de kabbale, musique et poésie. C’est toujours une question de « code ». Inspiré par la grand poète A.E., Pierre-Jean Canquouët se plonge dans la kabbale. Il en ressort ce texte inattendu né d’un réagencement des possibilités offertes par la langue quand on la délie des règles et que l’on cherche « réellement » à l’entendre.
« Pour communiquer avec vous, nous dit-il, j’ai choisi le prétexte de la beauté. Ce thème semble si volatil, si léger, si aérien qu’il peut paraître présomptueux de vouloir essayer d’en faire le sujet central d’une réflexion et d’activités à la fois profondes et ludiques. Pourtant c’est bien ce sujet qui s’est imposé à moi, comme s’il avait ses propres lois, son propre programme et que mon seul choix était de le présenter et de l’accompagner dans les révélations qu’il avait envie de nous faire. J’en parle comme d’une entité vivante et ayant une volonté propre, mais c’est plutôt un monde qui s’impose à moi, un monde dont l’existence est si vaporeuse pour nous, si mystérieusement présente au détour des poèmes et des chants mais aussi des sourires et des regards qui se contentent du silence. »
Pierre-Jean Canquouët recherche le jeu des archétypes dans la danse de la vie, dans la rencontre amoureuse comme dans les banalités du quotidien. Il convient de se rendre tout au bout de l’imaginaire, là où l’océan imaginal multiplie les vagues créatrices. Pierre-Jean Canquouët commence par l’arbre séphirotique avant de descendre l’alphabet hébreu, « l’alphabeith ». Point de cascades de lettres et de nombres mais des sauts, souvent au cœur du vertige de la vie, portés par le regard interne ou au contraire l’altérité. Pas de concepts desséchés, tout est vivant et pointe vers la source unique.
A propos de Tsade, « Batelier sur le fleuve Amour » :
« La création est un acte d’amour : comme le Grand Architecte a libéré une partie de Lui-même pour que son rêve prenne corps, ainsi la femme qui devient Mère veilleuse offre-t-elle à son fruit d’amour la chaleur de son espace. Ma forme suggère que ce dialogue amoureux, producteur de fruit, surgit d’une unité primordiale d’avant le monde connu. Je te parle de ce temps, avant le temps, l’époque du Un. Tu as choisi d’accompagner l’Illimité dans une aventure aux multiples contours. Pour parcourir tous les visages de la lumière, tu as endossé redécouverte : retrouver ton arbre généalogique originel. »
Le livre se lit comme un recueil de poésie mais s’explore comme une haute montagne. Les surprises ne manquent pas, au détour d’un mot, travaillé comme une matière première par l’alchimiste.
Rémi Mogenet, dans un avant-propos, voit, entre autres, dans ce livre, un héritage cathare. Il est vrai que l’esprit de l’Occitanie traditionnelle perce sous les mots ou grâce à eux. En tous les cas, les pôles Sud ne manquent pas et Le Pays aux mille couleurs invisibles mérite un lent et long détour.
Source: La lettre du crocodile