Irène Mainguy nous offre un ouvrage important pour penser l’initiation, sous la forme d’une synthèse documentaire. « Cette formule, précise-t-elle, permet de prendre en compte objectivement toutes les thèses en présence, qu’elles soient divergentes ou nettement antithétiques. Il est essentiel, si possible, que tous les aspects du sujet soient abordés, qu’ils soient ethnologiques, philosophiques ou métaphysiques, par des spécialistes s’étant exprimés avec leurs points de vue parfois opposés, mais néanmoins complémentaires. »
La matière rassemblée est riche, dense et sa pertinence permet d’envisager cinq questions qui nous sont posées aujourd’hui : « 1) Est-il nécessaire d’être reçu dans une Voie initiatique pour réaliser toutes ses potentialités ? 2) Dans le monde contemporain, qui se caractérise par un matérialisme croissant, quelle place reste-t-il à la voie initiatique et à son idéal ? 3) Doit-on considérer aujourd’hui l’initiation maçonnique comme un mythe ou une réalité ? 4) La franc-maçonnerie est-elle une école de rationalisme ou de spiritualité ? 5) Que peut apporter l’initiation maçonnique à l’homme ou à la femme d’aujourd’hui en ce XXIe siècle ? »
L’étude commence par l’approche lexicographique. L’étymologie latine, l’étymologie grecque, le regard antique, le regard contemporain, la place des rites de passage, les différentes formes d’initiation, déterminent non pas un langage mais des langages de l’initiation.
L’initiation est spirituelle. Il peut aussi être question d’une spiritualité laïque. Dans ces multiples formes, elle s’envisage comme un dépassement de notre condition actuelle, un accès à une connaissance plus vaste, voire à une transcendance. Cela conduit à une distinction entre profane et sacré, à la notion d’évolution, d’éveil mais aussi au sujet fondamental de la transmission et de la fonction initiatique des mythes et des légendes. L’observation des rites de passage permet de dégager une structure à travers les convergences et les constantes des différents rites.
L’une des entrées les plus intéressantes est celle des valeurs. Les rites initiatiques modifient nos modèles du monde et installent des valeurs. Ce sont des valeurs d’enseignement moral et de vertu, de récompense et de couronnement d’un effort, des valeurs spirituelles, ésotériques, élitistes. Elles peuvent être individuelles ou universelles, hiérarchiques ou non, irréversibles, virtuelles ou effectives…
Nous retrouvons ces valeurs contextualisées dans la spécificité de l’initiation maçonnique. La Franc-maçonnerie est une institution initiatique à la fois classique et particulière. Beaucoup d’archétypes et de mythèmes à l’œuvre dans l’initiation maçonnique font partie de l’héritage commun de l’humanité, d’autres sont propres au monde chrétien. La question des femmes en Franc-maçonnerie est une porte pour mieux cerner ce qu’est l’initiation.
Irène Mainguy envisage la place de l’initiation dans les temps à venir. Il semble à travers les différentes approches envisagées que la fonction initiatique ne peut que perdurer, à la fois dans la sphère spirituelle et dans la sphère sociétale. Il n’est pas anodin que l’ouvrage se conclut par un conte initiatique, Les trois bougies de la saint Jean, qui met en scène Maître Janus et une jeune fille.
Alors qu’il nous manque toujours une véritable épistémologie de l’initiation, ce livre contribue à son élaboration par le croisement des regards, des modèles théoriques et, au final, de l’expérience de chacun.
Source: La lettre du crocodile