Voici un ouvrage très intéressant consacré à la symbolique des deux Saints Jean dont nous savons l’importance dans de nombreux courants traditionnels en Occident tout comme dans le maintien de certaines traditions populaires.
Avec beaucoup de clarté, Patrick Berlier s’appuie sur l’histoire pour asseoir les dimensions initiatiques des mythes. Dans une première partie, il présente les personnages, leur histoire et leur symbolisme.
Après avoir fait de très utiles rappels étymologiques, poser les problèmes nés des divers calendriers concernés, préchrétiens et chrétiens, il approche les deux Jean, le Baptiste et l’Evangéliste, entre histoire et tradition. Le lecteur peut ainsi discerner entre les faits historiques, avérés ou interrogés, et les composants du mythe avant d’appréhender la symbolique :
« Sur un plan ésotérique ou symbolique, écrit Patrick Berlier, il n’y a qu’un seul Jean, ou plutôt les deux saints Jean ne font qu’un. Jean Baptiste a précédé le Christ, puis il s’est effacé devant lui. Lorsqu’il disparut, Jean l’Evangéliste, son ancien disciple apparut.
Analogues à Janus, les deux saints Jean sont des portes. Le Baptiste a fermé la porte de l’Ancien Testament, de l’ancien monde, de l’ancienne Loi. Il a ouvert la porte par laquelle Jésus est entré, la porte du Nouveau Testament, du nouveau monde, de la nouvelle Loi. L’Evangéliste a fermé la porte du Temps en écrivant l’Apocalypse, il ouvrira la porte du second avènement du Christ. »
L’auteur insiste sur ce rapport entre les saints Jean et Janus comme gardiens des solstices et des portes du temps. Si l’Eglise de Rome a voulu intégrer en les affaiblissant les fêtes préchrétiennes de la course du Soleil, elle en a aussi perpétué la puissance symbolique.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse des textes, notamment l’Evangile selon saint Jean et ses nombreuses singularités dont le prologue qui synthétise en dix-huit versets une métaphysique de haut vol. Patrick Berlier développe particulièrement la symbolique des nombres dans l’Evangile selon saint Jean. Il discerne une arithmosophie originale dans laquelle le nombre 17, qui fait écho à la tradition d’Ezéchiel, tient une place essentielle :
« C’est un découpage singulier, qui ne suit pas forcément le déroulement des événements rythmés par les déplacements de Jésus, et ces sections sont d’inégales grandeurs, certaines ne comptant que quelques versets et d’autres plusieurs chapitres. C’est surtout un découpage symbolique avec toute la signification hermétique du chiffre dix-sept. »
Patrick Berlier fait également appel à la découpe en sept parties proposée par Henri Blanquart que nous retrouvons avec bonheur dans ces pages. En effet, plusieurs septénaires apparaissent dans le texte, sept voyages de Jésus-Christ, sept signes de Jésus-Christ, comme dans l’Apocalypse de saint Jean construit selon une cascade de septénaires.
La troisième partie du livre s’intéresse aux traditions, croyances et rites en rapport avec les deux saints Jean, fêtes solsticiales, feux de la Saint-Jean, célébrations maçonniques.
Patrick Berlier met en perspective les deux saints-Jean, et leurs fêtes avec la notion de la Trinité, toujours difficile à saisir :
« Le Père, l’Esprit Saint, et le Fils sont la composante d’un tout, car chacun est l’expression du Père, il est à la fois sa parole et sa lumière. Le Père est la connaissance, le Fils l’expérience, et l’Esprit Saint la mémoire. Le Père peut partager sa connaissance avec le Fils par l’intermédiaire de la mémoire de l’Esprit Saint, et le Fils peut partager son expérience avec le Père toujours par l’intermédiaire de la mémoire de l’Esprit Saint. C’est pourquoi saint Jean l’Evangéliste le nomme aussi Paraclet, mot grec signifiant avocat, intercesseur. « L’Esprit est le baiser du Père et du Fils », disait saint Bernard.
Les deux saints Jean ont en commun, outre leur amour pour Jésus, d’avoir été chacun les témoins privilégiés de la révélation de la Trinité. »
Le travail de Patrick Berlier mérite vraiment un intérêt particulier. La belle présentation réalisée par les Editions Arqa et le cahier iconographique très réussi font de ce livre un outil aussi intéressant pour l’étude qu’agréable à consulter.