Ce livre est le troisième d’une trilogie dont les deux premiers tomes ont été consacrés à l’imaginaire de l’homme romain et à la mythanalyse de la Rome antique . « Le mythe, nous dit-il, est le dynamisme, organisé en récits, des grandes instances de l’imaginaire. » Dans une première partie, l'auteur aborde la genèse des mythes gréco-romains en partant de l'observation des récits qui traitent de l'organisation du cosmos et le la théogonie. Dans une deuxième partie, il explore la construction de la psyché humaine à travers les figures du héros. Enfin, l'élargissement final de son propos le conduira à envisager l’esquisse d’une grammaire universelle des mythes.
Les mythes sont en effet ancrés dans nos plus beaux souvenirs et notre imagination revit, en les lisant, ses plus beaux songes. N'avons-nous pas été, tour à tour, Ulysse ou Orphée, Achille ou Énée ? Et ces légendes ne réapparaissent-elles pas dans certaines bandes dessinées, dans certains mangas, dans Harry Potter ou encore dans Game of Thrones ? D' où vient ce goût singulier que les enfants et les hommes ont pour le merveilleux ? Quel est le sens de ces mystères ? Les symboles ne parlent-ils pas à notre subconscient son propre langage ? Mais au-delà de ce premier niveau de lecture, un sens initiatique se dégage.
Car, en découvrant ces mythes, nous avons rencontré des personnages qui incarnaient trois fonctions essentielles de notre psyché, celles-là même que décrit la tripartition durandienne : le héros (lié à la figure du Père), l'initié, (qui est en même temps un symbole du passeur et du voyageur, lié à la figure du Fils ou de la Fille), et l'amant (lié à la figure de la Mère, comme dans les Mystères méditerranéens, ceux d’Isis ou de Déméter).
Ces récits sont en effet des voix et des voies. Ils nous parlent de nous et nous invitent à explorer les chemins de la réussite comme ceux de nos échecs. Ils nous mettent en scène. Cette prise de conscience des grands rêves collectifs de l'humanité nous invite à une recréation intérieure. L'initié va être désormais relié d’une façon vivante au monde des archétypes. En vérité, les mythes éveillent en nous des souvenirs enfouis de notre propre histoire. Quand nous les décryptons, ils vont être source de métamorphoses, car ils nous font découvrir nos failles et nos faiblesses émotionnelles et vont nous aider à nous reconstruire.
Bref, c’est une circulation sans fin de la sève mythique qui nous irrigue comme un lointain et atavique murmure, et nous invite à un voyage immémorial au sein de nous-mêmes, à une mutation ontologique, et à une alchimie intérieure. C'est que le symbole a une fonction à la fois projective et introjective. Introjective car à force de le méditer, il va s'insinuer en nous, s'incorporer comme si nous étions agis par une énergétique subtile.
Voir et imaginer activent les mêmes circuits neuronaux. En effet, un mouvement réel et un mouvement imaginé, ces processus apparemment différents, ne font qu'un. C’est ce que nous disent les neurosciences, aidées par la neuro-imagerie cérébrale qui confirme ainsi les théories de l’imaginaire. Mais, de plus, les régions du cerveau qui initient nos paroles, nos mimiques et nos gestes sont étroitement connectées. Ainsi, s'exprime notre esprit. De là l'importance de mettre les symboles et les mythes en action grâce à des rituels qui permettent de construire notre pensée en partant du geste pour aller vers sa signification. Psychodrames, dynamiques de groupe, thérapeutiques d'inspiration initiatique, gestalthérapie, rêves éveillés, permettent l'exploration du monde des archétypes. « Ne pas apprendre mais éprouver », disait déjà Aristote.
À travers la découverte récente des neurones-miroirs, l'existence d'un cerveau mimétique permet de comprendre que chaque membre d'un groupe va renvoyer aux autres une facette de lui-même. Aussi, selon l’expression des Grecs antiques, les drames sacrés, notamment ceux des Mystères d’Éleusis, « enseignent », car « comprendre le mythe, dit le professeur Joël Thomas, c’est le faire sien, et guérir. » C'est dans cette catharsis que réside le secret de ces récits merveilleux qui continuent de nous charmer. Cet ouvrage nous montre qu'« avec le temps, le vieux devient neuf » (« Usu vetera nova ») et qu'un homme éternel sommeille à l'intérieur de nous, prêt à s'éveiller, comme la princesse endormie de nos contes, car ressusciter c'est re-susciter … Encore faut-il ne pas bannir le rituel de notre vie car son désir immémorial, dit Watzlawicz, reste inassouvi. Alors la transcendance si inaccessible se perçoit enfin dans notre cœur prêt à accueillir le mystère sublime de notre destinée à la fois mortelle et immortelle : Tu es Cela.