Nous saluons avec ce livre la naissance d’une nouvelle maison d’édition, les éditions Ether & Egrégore. Premier volume de la collection « Les Abîmes de l’Adversaire », l’ouvrage d’Auguste Siouville inaugure magnifiquement cette collection consacrée au Diable dans tous ses états.
L’ouvrage fut publié en 1925 dans la revue Le Symbolisme. Oswald Wirth s’en explique dans un avant-propos. Il s’agit de « faire apprécier le Diable à sa juste valeur », d’en saisir le principe et la fonction, loin de toutes les superstitions. Cette édition reprend la composition originale en quatre livres : Le Prince de ce monde, Le Péché originel, La Diablerie de Léo Taxil, Le Diable au café.
Il est complété d’une introduction remarquable Oswald Wirth, Parlons du Diable ! et dans la présente édition d’une biographie de l’auteur.
Auguste Siouville, de son vrai nom Auguste Lelong est né en 1855 pour décéder en 1933. On sait peu de choses de lui. Maître de conférences à la Faculté de Lettres de l’Institut Catholique de Paris, il exercera également comme vicaire jusqu’à ce que ses positions modernistes le conduisent à une mise à l’écart de l’Eglise. Proche d’Oswald Wirth, en relation avec la Grande Loge de France, il se consacra à l’écriture au cours des dernières vingt années de sa vie. Maîtrisant le latin et le grec, traducteur des textes anciens, il collabora notamment à la revue maçonnique Le Symbolisme et dans la Revue de l’histoire des religions. Plusieurs de ses articles traitèrent du gnosticisme.
Comprendre la figure du Diable, ce fonctionnaire émérite au service du plan divin, approcher Lucifer, le porteur de Lumière, c’est se connaître soi-même dans ses aspects les plus sombres pour les rectifier ou renverser, les illuminer.
L’érudition de l’auteur, ses références répétées à des passages de textes anciens connus et mal interprétés, ou simplement oubliés permettent de renouer avec la dynamique des mythes, des symboles et des archétypes. Comme le rappelle Oswald Wirth :
« Gardons-nous des pièges d’une métaphysique mal inspirée. Dans la réalité, l’Adversaire n’est que la figuration mythique de toute résistance à vaincre.
Le maçon rencontre le Diable dans la pierre qui est dure à tailler ; mais cette pierre lui est précieuse et il apprécie sa valeur d’après la résistance qu’elle lui oppose.
Le diable n’entre d’ailleurs en lutte avec l’homme fort que pour être vaincu : il ne nous résiste que pour nous astreindre à déployer toute notre force.
Ses intentions ne sont pas plus perverses que celles du F :. Terrible, qui fait subir les épreuves initiatiques. La perte de nos âmes ! En quoi intéresserait-elle un esprit aussi subtil que le Malin ?
Ne le calomnions pas en nous le figurant stupide, comme l’ignoble rôtisseur éternel, qui serait la honte du Dieu responsable de sa création. Et l’enfer, où le localiserions-nous, si ce n’est en nous-mêmes ?
Le feu infernal brûle au centre de toute individualité, mais c’est un feu sacré, sans lequel il n’y aurait ni vie agissante ni travail fécond.
Soyons maîtres de notre feu intérieur, et l’ardeur diabolique nous servira, car le Diable se soumet de bonne grâce au sage qui a droit de lui commander. Il ne s’agit pas ici de formules magiques, mais d’une libération effective du joug des péchés capitaux.
Tant que nous donnons prise à l’un d’eux, nous restons esclaves du Diable, et, tant que nous lui obéissons, il se moque de nos ordres à juste titre.
Nous ne dominons que ce qui n’a pas le pouvoir de nous dominer. Sachons donc résister aux forces que nous voulons dompter : si tu ne te laisses pas mener, tu mèneras ! »
Derrière la lutte créatrice avec l’Adversaire, c’est la question de la maîtrise initiatique et de l’affranchissement de tout conditionnement qui est posée.
La distinction entre la fonction du Diable et celle de Lucifer, le problème faussement posé de la chute et de la culpabilité, les conséquences de la doctrine augustinienne du Péché originel, sont quelques-uns des thèmes développés dans ce livre tout à fait passionnant.
Un livre indispensable. Un jeune éditeur à soutenir.