Le parcours de Lionel Tardif est particulièrement atypique, ce qui rend son expérience, marquée par la subtilité de la danse de Shiva, particulièrement intéressante. A trente-trois ans, le maire de Tours lui confie, contre toute attente, la direction du Centre socio-culturel du Beffroi à Tours dont il saura faire un laboratoire transculturel. Il fut un précurseur du mouvement de la transdisciplinarité dont il fit une pratique plutôt qu’un concept. Ce livre est comme un tableau dont le peintre choisirait les couleurs dans la palette des expériences humaines. Touche après touche, Lionel tardif peint la profondeur pour réconcilier l’homme avec l’esprit, restaurer un continuum entre la chair et l’esprit et ainsi redonner à la création son sens intrinsèque. Le dialogue entre sciences et sagesses contribue à cette réalisation en mettant en pièces la bêtise.
Lionel Tardif rappelle ces mots de Mollâ Sadrâ Shirâzi (1571 – 1640) qui pointe un obstacle permanent à la queste : « J’ai constaté l’hostilité que l’on s’attire de nos jours à vouloir réformer les ignorants et les incultes et j’ai vu briller de tout son éclat le feu infernal de la bêtise et de l’égarement dont la source n’est autre que la misère malsaine et la médiocrité des élites. En raison de leur hostilité à l’égard de la Connaissance et de la Gnose Mystique, et parce qu’ils rejettent totalement la voie de la philosophie sagesse, de la certitude personnellement vécue et de l’argumentation, ces gens demeurent interdits et privés des sciences sacrées et divines.
Alors cet étouffement de l’intelligence et cette congélation de la nature, s’ensuivant de l’hostilité de notre époque, me contraignirent à me retirer dans une contrée à l’écart, me cachant dans l’obscurité et la détresse, sevré de mes espérances et le cœur brisé. »
C’est pour briser ce qui apparaît comme une inexorable désespérance que ce livre existe. Lionel Tardif explorent les multiples perceptions de l’expérience du réel qui toutes concourent à la libération des contingences et conditionnements. La mosaïque des sagesses, certaines universellement connues, d’autres insoupçonnées, présente une multitude de chemins lumineux qui ne demandent que des pèlerins. Moïse, Abraham, Hermès, Zarathoustra, Rûmi, Jésus, Mahomet… certes, mais aussi, Rudolf Steiner, Dane Rudyar, Fools Crow, Pandit Gopi Krishna, John Eccles, Rupert Sheldrake…
Ce qui frappe le lecteur au fil des pages, c’est que ce qui devrait être une culture, notre culture, demeure une contre-culture face à l’alliance mortifère de l’argent, du pouvoir et de la bêtise. Lionel tardif attend un nouvel ordre intellectuel et spirituel capable de bâtir d’autres sociétés respectueuses de la nature et de l’être :
« Aussi une communauté de citoyens des quatre coins du monde, tel un géant endormi, se réveille. Dans la Bible la libération de Barabbas c’est la libération du grain de blé qui doit croître. La foule inconsciente du temps des Evangiles et consciente aujourd’hui réclame finalement une nouvelle croissance. Car nous sommes arrivés au point oméga dans les certitudes des découvertes sans aucune conscience. Tout se détruit parce qu’un nouveau monde doit arriver. Nous sommes l’époque des mutants.
Il est dit « Lorsque tu mangeras de l’Arbre de la Connaissance ; avant d’être devenu, tu muteras » relève Annick de Souzenelle dans le texte Premier.
Nous en sommes là. Dans la langue originelle de la Bible, l’Hébreu, la vocation divine de l’homme est pourtant exprimée clairement : « Va-vers toi ».
Il faut construire l’enfant intérieur. »