Faouzi Skali est l’un des plus grands spécialistes mondiaux du soufisme. Il dirige les Rencontres du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde dont nous vous avons déjà entretenu. Nous avons déjà approché sa pensée à travers trois livres publiés chez le même éditeur Futuwa. Traité de chevalerie soufie, La Voie Soufie et Traces de lumière.
Rûmi ou Ibn Arabi, comme d’autres maîtres soufis ont reconnu en Jésus un prophète. Pour les soufis, Jésus est le « Sceau de la sainteté » comme Mahomet est le « Sceau de la prophétie ».
Faouzi Skali rapproche les Evangiles, le Coran et d’autres sources mystiques pour peindre un portrait tout en nuance et en intelligence de Jésus. Il insiste notamment sur le lien particulier qui unit Jésus et Mahomet :
« C’est ainsi, nous rappelle-t-il, que le prophète Muhammad déclare : « Les Prophètes sont frères de par leur origine : ils sont nés de mères différentes, mais leur religion est la même. Plus que tout autre, je me réclame de Jésus, fils de Marie, car il y a entre nous deux aucun autre Prophète. » Pour les musulmans, le prophète Muhammad n’est autre que le Paraclet annoncé par Jésus dans l’Evangile de Jean… »
Dans le soufisme, Mahomet tient une place à part en tant que dernier prophète, mais cette ultime application prophétique n’est possible qu’en raison de l’application précédente réalisée par Jésus :
« Le cycle de la prophétie se trouve être scellé par Muhammad en tant que dernier envoyé apportant de la part de Dieu une Loi révélée : « Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous, mais il est le Prophète de Dieu, le Sceau des Prophètes. Dieu connaît parfaitement toute chose ! » (Coran XXXIII, 40). Certains mystiques, comme Ibn Arabi, considèrent que Jésus, quant à lui, est le « Sceau de la Sainteté » : « Si tu te demandes le pourquoi de ce Sceau et quel en est le sens, sache que Dieu a décidé que tout ce qui contient la vie, qui a elle-même un commencement et un sceau final, aurait la même propriété d’un commencement et d’une fin. Or, parmi ce qu’elle contient, il y a la promulgation des Lois sur lesquelles Dieu a mis le sceau avec la promulgation de la loi de Muhammad qui devient ainsi le Sceau des Prophètes. Parmi ce qu’elle contient encore, il y a la Sainteté absolue, inaugurée par Adam et close avec Jésus. ». »
Ce livre est écrit à partir des recherches menées par l’auteur et Eva de Vitray Meyerovitch qui eut une grande influence sur Faouzi Skali. Celui-ci lui rend un hommage appuyé dans l’avant-propos. Tous les deux ont reconnu la place particulière de Jésus au sein du soufisme où il est reconnu comme une manifestation de l’Esprit et un initiateur :
« Dans le Coran, Jésus est présenté comme étant le Verbe de Dieu, dans le sens d’une réactualisation de l’Esprit par rapport à la lettre. L’enseignement de Jésus consistait en permanence à souligner la prééminence de l’Esprit et à montrer que la lettre pouvait tuer l’Esprit. Ce qui arriva aux pharisiens qui connaissaient parfaitement les rituels et les particularités alimentaires de la tradition juive, mais dont le savoir était dénué d’Esprit. Dans toute la tradition chrétienne comme dans la tradition coranique, on considère que Jésus a accompli des miracles indiquant, en définitive, la présence de quelque chose de transcendant. Cela a pu être un élément qui a permis à des personnes égarées de s’éveiller à une profondeur spirituelle et de passer de la cécité intérieure à une nouvelle compréhension des choses. »
Ce livre est une excellente manière de reconsidérer le christianisme et surtout la fonction de Jésus en le sortant des images figées qui lui sont souvent associées.