Le signe du Taureau
Le Taureau se manifeste ici sur un mode de sensorialité pré-rationnelle. L’être perçoit le monde par le flair, d’une façon très physique, bien plus que par la raison. L’individu "sent" instinctivement ce dont il a besoin sans se donner la peine d’analyser les situations : il possède un "bon sens" naturel très sûr. L’élan du Bélier devient enracinement, la spontanéité se mue en puissance. Les ardentes flammèches de l’origine perdent leur liberté d’expression en entrant dans la substance. En d’autres termes, l’être acquiert une secondarité de réaction.
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Il s’efforce de réaliser ses objectifs de façon aussi parfaite que possible, d’où un certain nombre d’hésitations avant de se lancer dans un projet. Il peut également vérifier et re-vérifier longuement et avec minutie le travail déjà réalisé afin de se rassurer sur sa qualité.
L’ être réceptif aux inergies "Taureau" juge choses et gens en fonction de la sensation de bien-être qu’ils lui procurent. En conséquence, la personnalité de ce type doit lutter contre une certaine inertie, contre une tendance naturelle à se laisser vivre dans un égoïsme confortable. Ce signe de terre attache de l’importance aux valeurs concrètes, il éprouve une nécessité profonde de s’enraciner dans le réel afin de trouver stabilité et nourriture. Point d’envolées philosophiques ni de problèmes métaphysiques : ce qui est est. La personnalité aime, par exemple, se sentir bien dans ses meubles (généralement robustes et rustiques) ou se promener sur ses terres, riches et cultivables. L’énergie du signe précédent, Bélier, toujours présente, est simplement recouverte d’un manteau qui la canalise en vue de la réalisation d’un but utile. En effet, ce signe attache beaucoup d’importance à la grandeur du labeur, au travail bien fait. Les préoccupations peuvent être "organiques" et, par exemple, induire chez la personne un intérêt prononcé pour la nature et les problèmes écologiques, ou encore un goût particulier pour les plaisirs de la table et les nourritures simples. Si le but est social, l’être coopère avec d’autres, il démontre une grande capacité de travail, une patience à toute épreuve, il fait preuve d’endurance, de résistance physique et psychique, mais aussi d’entêtement et d’obstination si des obstacles se dressent devant lui. Lorsque le soleil franchit les premiers degrés de ce signe, le feu du Bélier n’est pas encore totalement apprivoisé, il "couve sous la braise" et éclate quelquefois en de violentes colères. La personnalité, mue par de puissantes passions, est capable de remettre en cause, sur un coup de tête, des résultats patiemment acquis.
L’être chez qui les énergies Taureau prédominent a besoin de se sentir propriétaire pour se sentir être, il découvre son identité à travers ce qu’il possède. L’étendue de sa personnalité est à la mesure de celle de ses biens… des biens dont il lui faut palper la réalité concrète ! Souvent son sentiment de sécurité est tellement identifié à ses possessions qu’il éprouve beaucoup de difficultés à accepter le moindre changement. A l’extrême, il proclame : "j’ai toujours été comme cela, je ne changerai jamais". Il se sent blessé dans sa propre chair si quiconque entreprend de toucher à ses acquis. Le besoin de posséder représente une expérience indispensable à la construction de sa personnalité.
Le trait de son tempérament le plus caractéristique est une forme de respect inconditionnel de la vie et de la nature qui peut le conduire au don de l’amour universel. L’être "sait" instinctivement que la matière est "grosse" de la vie. Au niveau individuel, il œuvre patiemment pour révéler au monde le secret intime de l’objet : la beauté. Puis, plus tard, il le percevra comme le manteau radieux de la Divinité.
L’énergie sexuelle et la possessivité sont deux qualités-clés de ce signe. Toutes deux trouvent leur résolution dans le signe opposé, le Scorpion. Au niveau socio-culturel, la sexualité a un but utile, procréateur, celui de la venue au monde d’un enfant afin que puisse se construire dans le Cancer, un foyer : elle est instinct de reproduction. Au niveau individuel, elle représente une énergie capable de mettre en contact le "petit soi" avec le Soi : elle relie la personnalité à l’âme. Au niveau spirituel, elle devient pouvoir créateur. L’artiste du Taureau est avant tout un sensitif qui perçoit au plus profond de sa chair l’harmonie et la beauté. Ses domaines de prédilection peuvent être la poterie ou la peinture… et plus généralement toutes les disciplines liées au sens du toucher, représentatives de la plasticité de l’objet. Les œuvres d’art ne sont pas forcément réalistes, mais elles expriment toujours la puissance et la densité du réel. Ainsi, l’artiste de la Balance sera plus sensible à l’harmonie des couleurs alors que le Taureau vibre à l’unisson d’un bleu ou d’un vert particuliers.
La personnalité se construit et s’affirme progressivement au fil des rondes zodiacales. A l’étape Taureau, elle va tout d’abord à la découverte de la matière, de son corps et de ses besoins biologiques. Elle expérimente toutes les sensations que procure la jouissance de la matière. Puis, socialement, elle se construit une identité en développant un statut de propriétaire. Au niveau individuel, la personnalité réalise que si la possession fût une aide, elle est à présent l’entrave. De profonds bouleversements s’annoncent. Le Taureau devient alors le signe de la mort de la forme afin que le désir puisse céder une place croissante à l’aspiration. Essayons de définir le sens attribué à ces termes :
Le désir est l’attrait de la personnalité pour le monde extérieur "objectif". Dans le Bélier, c’est le désir pour le désir. Dans le Taureau, c’est le désir pour la satisfaction du désir. L’aspiration se manifeste lorsque la personnalité tourne son regard vers l’intérieur, vers la "vie", ou vers l’âme qui incorpore sa matière. Dans ce cas, elle acquiert une puissante volonté capable de renverser les montagnes. Cependant, celle-ci peut être mise au service de l’ego : il s’ensuit alors des personnalités qui bouleversent tout sur leur passage, hommes-bulldozer aux idées bien arrêtées. Il est particulièrement difficile de leur en faire changer, pour le meilleur comme pour le pire, car ils se sentent guidés par une profonde conviction intérieure et un besoin inconscient de domination, de modeler l’univers selon leurs désirs. Positivement, la formidable énergie taureau, précédemment orientée vers la recherche d’un bien-être organique, est maintenant utilisée consciemment pour concrétiser les idées-semences du Bélier. Tel fut le cas de Karl Marx, avec le Soleil, la Lune et Vénus dans le Taureau, l’ascendant est en Verseau.
Lorsque l’individu n’est pas occupé à remodeler la matière mentale, émotionnelle ou physique de son environnement, il s’oriente tout entier dans un effort de fusion avec le Soi. Citons Pierre Teilhard de Chardin et Jean Marie Vianney (curé d’Ars) qui ont respectivement six et quatre planètes dans le signe du Taureau. Nous observons alors un effort de spiritualisation de la substance. En effet, Teilhard de Chardin considère que la matière couve une puissance spirituelle. Par une ascèse de détachement, il parvint à déchiffrer en filigrane, à travers le cosmos, la figure divine du Christ. Si l’on accorde quelque crédit à la tradition spirituelle de l’humanité, il semble que Bouddha reçut l’illumination à la suite d’une pleine lune de mai. Or, le Bouddhisme est essentiellement une philosophie qui éveille l’être à la façon de réorienter le désir et d’éliminer la souffrance. Sa profonde sagesse sur la nature et l’impermanence du réel conduit au détachement et à la découverte d’un centre de conscience indépendant. Ainsi, les valeurs du Taureau (permanence de la substance, beauté, richesse…) sont relativisées. La personnalité ne s’y identifie plus. En d’autres termes, Bouddha indiqua, six siècles avant notre ère, comment réaliser ce changement de centre de conscience, de quelle façon transmuer le désir en aspiration. Quoi qu’il en soit, que l’option choisie soit une transformation des valeurs matérielles (Marx) ou un détachement de celles-ci (Bouddhisme) le sujet de préoccupation de l’être reste le même.
Texte issu du blog de Luc Bigé