Théâtre, mystique et théosophie
"En France, il ne fait pas bon de trop s’intéresser à la mystique…". Tels sont probablement les conseils que suivirent Albert Camus et André Malraux, conseils qui les incitèrent à cacher aux yeux de tous le fort intérêt qu’ils nourrissaient pour cet état d’être un peu particulier…. La mystique a de tout temps dérangé, et preuve est de constater que cela perdure encore de nos jours. Ses contours ont certes toujours été flous et il faut admettre que ses commentateurs tombent bien souvent, selon nous, dans deux ornières qui s’avèrent particulièrement "contre-productives".
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Le souffle de l’esprit peut-il s’enfermer dans une chapelle ?
La première erreur consiste à rattacher la mystique à un cadre religieux. Cette approche, même si elle se vérifie quand on considère l’histoire, ne colle plus du tout avec la vision élargie, contemporaine, fruit des nouvelles sciences telle que la psychanalyse ou la physique quantique. Etre mystique de nos jours, c’est-à-dire expérimenter ce franchissement "au-delà du sensible" peut prend des formes plurielles, laïques ou religieuses : ce qui fut la règle autrefois est désormais devenu exception. Ce soucis d’objectivité fait souvent défaut aux commentateurs actuels, pensons-nous utile de rappeler.
Un exemple de cette incompréhension persistante : les écrits de Jean de la Croix n’intéressent ni les philosophes, ni les théologiens.
La seconde erreur, selon nous, c’est de présenter la mystique sous le sceau d’une grande radicalité. Derrière le mot valise d’ "absolu" ou de "transcendance", sent-on bien souvent poindre une grande colère, une désincarnation pathologique comparable à une névrose. Dans ces cas, l’amour, la bienveillance sont alors bien souvent occultées, pire, elles sont feintes !
Pour toutes ces raisons, il semblerait que la question de la mystique n’ait pas encore trouvée une place en France, tant sur un plan anthropologique, artistique, qu’universitaire….
Devons-nous rappeler, pourtant, que cinq générations se sont écoulées depuis la séparation entre l’Eglise et l’Etat ?
Une situation d’arrière-garde, honteuse, que la chercheuse Lydie Parisse étudie avec dévouement et talent. Son souhait : spécifier la mystique comme "objet d’étude" et ainsi la légitimer, notamment à travers l’expression théâtrale.
Un théâtre envisagé ici sous un angle hautement initiatique, "un creuset reliant l’instant à l’universel" et où ses lignes de forces sont comparées à celles de la liturgie: l’ouïe et la vue.
Deux de nos cinq sens, mis à contribution ici pour une même alchimie ?
Eléments de réponses de Lydie Parisse, Michel Cazenave, Marco Baschera, Amador Vega, Ghislain Waterlot et Patrick Marot lors de cet échange improvisé et enregistré à l’Université du Mirail à Toulouse.