Le livre noir de la Franc-maçonnerie

La Franc-maçonnerie, aujourd’hui comme hier est pleine de contradictions. Si l’Ordre maçonnique affiche des valeurs humanistes à vocation universelle, son histoire porte les stigmates de combats douloureux pour les libertés, dans la société et en son sein même.

En ouvrant de nouveau le dossier du racisme, du colonialisme et de l’esclavage au sein et à travers les institutions maçonniques, André Kervella éclaire certains pans de l’histoire maçonnique volontiers oubliés.

Il se penche sur le cas exemplaire de Saint-Domingue (Haïti) avant son indépendance en 1804. La Franc-maçonnerie s’y implante dès les années 1730 et y devient florissante. Certains de ses membres participent à la traite négrière. Très difficilement, les loges vont commencer à accueillir des métis, des noirs, qui parfois deviendront des leaders du mouvement d’émancipation conduisant à l’indépendance.

« A la fin des années 1760, confie André Kervella, les questions raciales commencent insidieusement à devenir un motif de discorde entre des loges distinctes et entre des frères d’une même loge. A telle enseigne, que, au cours de la dernière décennie du dix-huitième siècle, il est impossible d’attribuer aux francs-maçons des comportements et des choix identiques. Certains sont royalistes, d’autres républicains, d’autres caméléons au gré des circonstances. Certains sont favorables à l’abolition de l’esclavage, d’autres le refusent opiniâtrement. Aucune opinion commune, qui serait majoritaire et stable, ne s’impose parmi eux. C’est dire qu’on s’égare lorsqu’on imagine que la franc-maçonnerie de l’Ancien Régime, considérée dans une globalité de pure rhétorique, a réellement encouragé la liberté et l’égalité des citoyens. Les frères ont été aussi partagés que les profanes. Des mouvements divergents et parfois antagonistes au sein de l’Ordre ont brouillé les discours abstraits sur la concorde universelle. »

L’approche est historique, rigoureuse, étayée et néanmoins passionnante. A travers les documents étudiés, André Kervella cherche à établir des faits et à faire vivre pour nous les protagonistes de ces contradictions qui ne sont pas si éloignées des nôtres en ce début de millénaire. « Suis-je le gardien de mes frères ? » demande-t-il au milieu de l’ouvrage, preuve que cette question est au cœur de l’expérience humaine. Manifestement non. Quoi que, cela dépend. Ce sont les méandres des processus de décision, conscients et inconscients, qui sont mis en évidence, sans jugement, nos hiérarchies de valeurs, assez fluctuantes selon les contextes, l’incapacité de beaucoup d’entre nous, êtres humains à établir une congruence réelle entre pensée, parole et action.

« Quoi qu’il en soit, conclut André Kervella, on se gardera de verser dans l’indignation rétrospective. S’il fallait se comporter aujourd’hui en censeurs de personnalités défuntes, grandes ou petites, célèbres ou non, parce qu’elles ont commis des discours ou des actes devenus répréhensibles dans le système éthique ou son excroissance juridique, il n’y aurait plus grand monde à illustrer les dictionnaires biographiques. Expliquer leur conduite n’est pas l’excuser mais se prémunir contre la répétition de leurs erreurs. »

Apprendre donc.

Source : La Lettre du Crocodile

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