Les Contes de l’Indicible

Voici un livre de contes particulièrement abouti. L’auteur renoue avec la fonction traditionnelle du conte qui est d’installer croyances, valeurs, critères, cheminements…, de transmettre aussi des savoirs, par un chaînage métaphorique visible ou invisible.

Jean-Baptiste Ponsot a écrit et interprété plusieurs spectacles seul en scène. Baptiste Belleudy, l’illustrateur, est lui aussi familier de la mise en scène et des arts visuels. Ces talents et ces expériences sont très présents dans la construction et l’illustration des Contes de l’Indicible. Le lecteur voit naître la scène dès les premiers mots et s’identifie volontiers aux personnages.

Le premier Conte, Un charlatan spirituel, donne le ton du livre qui mêle l’humour distant, la lucidité et la profondeur du propos. Il commence ainsi :

« Que fait-on quand on n’a pas de dons et de problèmes d’argent ? On commence une carrière spirituelle.

C’est ce qu’un homme entreprit. Il n’avait pas encore fait grand-chose de sa vie alors qu’il avait toujours prétendu en faire beaucoup. Mais c’était un travailleur et il avait un penchant pour l’invisible. Il se mit donc à la tâche. »

Ce serait une erreur de penser connaître la fin de l’histoire car l’inattendu, celui qui enseigne et qui éveille, nous attend au coin de chaque histoire.

Extrait de La fin du jugement :

« - Saint Pierre est chinois se dit-elle, stupéfaite.

A peine s’était-elle assise, et remise de son étonnement, que Pierre – c’était bien lui, comme le prouvait la fine auréole au-dessus de sa tête – prit la parole :

  • - Madame désire ?

Elle prit le temps pour être sûre qu’elle ne rêvait pas – l’ambiance était vraiment surréaliste. Puis comme à son habitude, elle répondit avec assurance.

  • - Le Paradis.
  • - Betty dit Pierre, pouvez-vous m’apporter le dossier de madame ?

La jeune fille à la tête d’éléphanteau apporta un énorme dossier qu’elle déposa sur le bureau. Pierre le feuilleta.

  • - Je vois que madame s’est donné du mal.

La grande actrice sourit.

  • - Mais, ajouta Pierre, savez-vous que cela n’a plus aucune importance ici ?
  • - Pardon ?
  • - Eh oui ! rétorqua-t-il avec évidence. Ici c’est l’Infini, c’est le terminus. Je ne suis là que pour les formalités. »

Parfois, ce sont les scènes, soulignées par les dessins superbes de Baptiste Belleudy, ou les dialogues entre les personnages qui nous conduisent vers une connaissance ou une reconnaissance, parfois c’est la situation, le monologue intérieur d’un personnage, le commentaire. L’auteur est comme L’enchanteur :

« Un enchanteur parlait à l’orée du village.

C’était d’ailleurs tout sauf un enchanteur, enfin tout sauf l’idée qu’on pouvait s’en faire. Il semblait provenir d’un abîme, avait une allure spectrale et un regard terrible. D’aucuns disaient même que c’était un ancien tueur. Hormis cela, on ne savait rien de lui – et on ne voulait rien savoir.

Toujours est-il qu’il avait l’habitude de venir chaque dimanche sous un chêne pour échanger avec les villageois sur la perfection du monde. »

Ne manquez pas ce livre, aussi délicieux, profond et parfois même jubilatoire que possible.

Source : La Lettre du Crocodile

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