Nous avons trop souvent en Occident une vision partielle et partiale du bouddhisme en l’identifiant au médiatique bouddhisme tibétain, pourtant minoritaire et souvent formellement éloigné du bouddhisme originel par son absorption de presque toutes les traditions et pratiques rencontrées.
Antoine Marcel souhaite revenir à l’essentiel du bouddhisme qui est l’éveil en s’appuyant sur quelques textes fondamentaux, sûtras et autres, notamment chinois.
« L’enseignement central du bouddhisme est celui de l’éveil, rappelle-t-il. En témoigne la figure du Bouddha assis, emblème de la réalisation de l’esprit. »
Mais, interroge-t-il, de quel esprit s’agit-il ? De quoi parlons-nous ? Si Bodhidharma, fondateur de l’école Tchan, invite à « la méditation silencieuse face au mur » et à s’affranchir des textes pour
« Viser directement l’esprit », le langage reste trop limité pour témoigner de l’esprit. C’est conscient de cette difficulté qu’Antoine Marcel cherche à user des mots pour soutenir une
« transmission d’esprit à esprit ».
« Réaliser l’esprit-bouddha, c’est justement réaliser la vacuité de l’esprit. C’est se délier du moi, se délier de la pensée des choses. »
Ni hypostase, ni concept, ni même expérience, l’esprit ne serait que transparence, auto-saisissement, vide, non-dualité…
Evitant l’érudition inutile, Antoine Marcel situe cependant historiquement et géographiquement son propos, donnant des repères historiques et des références traditionnelles, sans perdre de vue son objectif de clarification, simplification, essentialisation, jusqu’à toucher « l’absolu immobile ».
Il reste aussi très pragmatique :
« Conformé par une noèse aliénée et fautive, notre monde est illusionné et souffrant ; mais dans le même temps notre sagesse de vacuité, ou sapience, purifie ce tourment en prenant conscience de l’irréalité foncière de notre monde de représentation. A l’instant d’illusion succède aussitôt un moment d’ainsité, puis notre cognition objectivante reprend le dessus, nous en revenons à la ronde de l’existence, et de ses vagues de pensée obsessionnelle et fautive. La méditation assise, ici, fait la différence… »
Chacun pourra se reconnaître dans ces quelques lignes qui s’ouvrent sur une réalisation, une libération possible, l’éveil.
« L’enseignement du Bouddha, conclut-il, ne laisse nul lieu où s’établir, si ce n’est en l’éveil ; ou plutôt, ainsi que le précise le Sûtra du Diamant, en un esprit d’éveil qui ne se fixe sur quoi que ce soit. Les deux soi, celui du sujet et celui du monde – autrement dit l’atman et le brahman – sont évacués. Ainsi du concept d’être, et de celui de non-être aussi. Le vrai et le faux, en dernier ressort, sont abolis. Toutes les paires d’opposés, réciproquement, sont annihilées. Il n’y a plus rien à quoi se tenir. La vacuité elle-même, concept qui fut utile en chemin, est vide, et il convient de l’oublier.
Mais voici qu’au moment même où toutes ses possessions sont détruites, l’esprit – désormais vide lui aussi – disparaît. Nous voici tout au bord du néant, semble-t-il, mais ce néant a une qualité d’absolu calme, de sagesse et de sérénité. Certains parlent d’une lumière… »
Source: La lettre du crocodile