De nouveau, André Combes, historien et directeur de l’Institut d’études et de recherches maçonniques, IDERM, met son talent et son érudition au service de l’histoire maçonnique. Cette fois, il traite du demi-siècle sans doute le plus tourmenté et le plus violent de l’histoire maçonnique, de 1914 à 1968.
Comme le titre l’indique, malgré ses divisions, la Franc-maçonnerie de cette période se caractérise par sa défense de la République et son implication dans les bouleversements sociaux, notamment les mouvements d’émancipation, et en premier lieu, celui des femmes, toujours inachevé. La Franc-maçonnerie que nous décrit André Combes est toujours inscrite dans son temps, souvent militante, parfois aux avant-gardes du changement, se voulant à la hauteur des tragédies vécues au fil de ces décennies de bouleversements.
La densité évènementielle de ces cinq décennies l’exigeait, André Combes, pour une plus grande clarté, a choisi une division par périodes, ce qui ne nuit pas à la perception des grands mouvements d’idée qui traversent ces décennies à la recherche d’espaces de réception. Et comme toujours avec les travaux d’André Combes, les analyses proposées nous obligent à penser les temps incertains et dangereux dans lesquels nous entrons.
Deux guerres mondiales et de nombreux autres conflits, les processus de décolonisation, la crise économique de 1929, les mouvements artistiques et politiques des années 30, trois Républiques, le développement des institutions internationales et des droits de l’homme, sont autant d’événements qui se sont invités, ouvertement ou par détours, dans l’intimité des loges, nourrissant des évolutions majeures qui demeurent ignorées ou caricaturées, y compris par les membres de l’Ordre maçonnique, trop peu au fait de leur propre histoire et de leur héritage complexe.
La table des matières témoigne parfaitement de cette aventure à la fois riche et terrible dans lesquels les idéaux maçonniques ont été tout à la fois exaltés et écrasés :
1914-1918 : du pacifisme à l’Union sacrée – 1919-1929 : de la guerre à la crise, du militantisme au questionnement – 1929-1939 : le GODF et la GLDF, si proches, si concurrents, unis face à la tourmente – 1919-1929 : l’Europe maçonnique : espoirs et premiers échecs – 1930-1940 : les disciples d’Hiram impuissants devant la percée des fascismes – 1940-1945 : un foyer de résistance à l’Europe allemande – 1944-1945 : le difficile réveil de loges meurtries et affaiblies – 1945-1968 : le Grand Orient de France, pugnace, déterminé au cours des Trente Glorieuses – 1940-1962 : les relations internationales du GODF, de la mort de l’AMI à la naissance du Clipsas – 1946-1966 : la grande Loge de France tiraillée entre régularité anglo-saxonne et libéralisme – 1914-1964 : le Droit humain, la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge Nationale Française, le Rite de Memphis-Misraïm – 1945-1962 : de l’Union française à la décolonisation – etc.
Pour conclure, André Combes éclaire trois thèmes récurrents de ce demi-siècle : la laïcité, la paix et l’engagement maçonnique.
Au final, le lecteur prend conscience que les tensions entre initiation et action, ce couple de forces qui caractérisent le procès initiatique maçonnique et le diffère de nombreux autres mouvements initiatiques, fut fécond, tant dans l’adversité que dans les moments plus favorables. Si de nombreuses personnalités sont présentes dans ces pages, c’est aussi l’histoire de tous les Francs-maçons anonymes que raconte André Combes, rendant ainsi hommage à tous ceux qui, dans l’ombre, combattent, non sans doutes parfois, non sans erreurs non plus, pour défendre les libertés, qu’elles soient sociales ou spirituelles.