Le Cantique ou la sacralisation de l'Amour (2)

"Qu’il me baise-moi de sa bouche, car ses baisers sont plus enivrants que le vin". Ainsi s’ouvre le Cantique des Cantiques, dans la traduction qu’en fait Frank Lalou. Une traduction qui pourra paraître un peu "audacieuse" au regard de ce à quoi la tradition nous avait habitué, mais qui se veut avant tout proche de l’ancrage corporel, sensuel, érotique du texte, et vise à "réveiller" le lecteur.

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43:02
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En effet, tous les sens ici sont conviés à témoigner et à jouir de l’extase amoureuse. L’odorat notamment, que notre culture avait fini par délaisser car trop relié à l’animalité et donc "inférieur" (voire suspect), est mis en avant à travers le leitmotiv des parfums. La myrrhe, l’encens, le cèdre, la cannelle, le genévrier, sont autant de signes correspondant à différents états de conscience. Tantôt parée, tantôt nue, la bien-aimée change aussi d’apparence, dans une rencontre perpétuellement renouvelée et mise en scène.
Frank Lalou souligne ainsi la dimension théâtrale et ludique de la relation amoureuse, mais ne nous y trompons pas : cette légèreté n’exclut pas la profondeur, bien au contraire. L’ivresse des amants n’a rien de métaphorique, elle engage l’être dans son intégralité et ouvre par-là à la véritable connaissance (qu’on qualifiera à juste titre de biblique, dans le contexte). Le vin en est évidemment un symbole récurrent (symbole non parce que le sens littéral serait exclu là encore, mais simplement par extension), mais il n’est pas le seul. On apprend par exemple que les "pommes d’amour" dont il est question dans le Cantiques des Cantiques sont nommées en hébreu "hashishot" - terme assez explicite pour se passer de commentaire.

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Autant d’éléments qui induisent chez Frank Lalou une certaine réticence à employer le terme (galvaudé il est vrai) de "spiritualité", en ce qu’il pourrait avoir une connotation désincarnée, évanescente. A vrai dire, il va jusqu’à inverser pour sa part les valeurs habituelles, voyant dans l’état amoureux un état naturel plutôt que "pathologique", et dans le transport amoureux la métaphore du transport mystique. Mais est-ce vraiment une métaphore, ou n’avons-nous à faire qu’à une seule et même chose ? En tout cas, on ne saurait nier l’intime parenté entre les deux, si l’on en croit Ste Thérèse d’Avila disant au sujet de ses extases mystiques que "le corps ne laisse pas d'y participer à un haut degré".
Au-delà de ces étiquettes verbales, inévitablement limitées, Frank Lalou et Michel Cazenave nous donnent à penser mais aussi et surtout à ressentir la richesse du sentiment amoureux, entre tension de l’altérité et intensité de la fusion. Dans ce deuxième volet de 43 mn consacré au Cantique des Cantiques, nous voici donc de nouveau entraînés dans le plaisir d’un échange à bâtons rompus autour de l’amour (humainement divin ou divinement humain !), du féminin et de son inépuisable mystère…

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