Gnose et orthodoxie
La gnose, un terme éminent polysémique qui induit selon ses écoles d’enseignement une Connaissance "immédiate", "intuitive", "cachée" ou "transformatrice/salvatrice". Natalie Depraz (philosophe, chrétienne orthodoxe) et Françoise Bonardel (philosophe, spécialiste de Jung, de l’hermétisme et du Bouddhisme) vont s’interroger ici sur les liens qui unissent la gnose et l’Eglise chrétienne d’Orient : l’orthodoxie.
Nathalie Depraz s’est spécialisée dans la phénoménologie, courant philosophique fondé au début du XXe siècle par Edmund Husserl qui place la notion d’expérience au cœur de son enseignement.
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C’est par ce biais qu’elle va tenter de conjuguer ces deux acceptions dont le rapprochement n’est pas évident à première vue. Certes la gnose a engendré le gnosticisme - qualifié d’hérésie - et qui se caractérise par le refus du corps, du monde manifesté et de la procréation.
Elle se place en porte-à-faux avec le dogme de l’incarnation (le Verbe s’est fait Chair) central dans le christianisme en général, et dans l’orthodoxie en particulier.
C’est donc d’une dimension bien précise de la gnose dont qu’il est question ici : celle de l’expérience intuitive, qui se place pour le coup sur le terrain de la phénoménologie. Le cœur de cette dernière n’est en effet ni la conscience réflexive (l’observateur s’observant lui-même), ni le discours sur l’objet (l’observé), mais leur rencontre, l’émergence de ce qu’il advient (par l’observation).
Or la gnose renvoie elle aussi à ce type de connaissance immédiate, contournant le mental discursif et toutes ses formes de structures ecclésiales… à la lisière de la révélation salvatrice et de l’intuition personnelle...
Mais ce qui a semblé crucial à Natalie Depraz, c’est d’en faire elle-même l’expérience concrète par la pratique de la "prière du cœur" (hésychasme) qui est particulièrement représentative de la tradition orthodoxe.
Comment évoquer une expérience aussi intime, difficile et exigeante ?
Et même, qui en parle, puisque cette adresse constamment réitérée au divin est "vide de soi-même" ?
Nous entrons là dans le mystère inépuisable de la simplicité, de la sobriété… là où l’humilité humaine accède à la Théosis (divinisation), et où le grand inconnaissable se fait connaître.
Là où s’unissent les œuvres et la grâce, en une même opération. Mais aussi le miraculeux et le terre-à-terre, selon cette magnifique formule d’Evagre le Pontique qui qualifie chaque instant de présence de "petite résurrection au quotidien" ….
Souhaitez-vous comprendre les liens subtiles mais tenaces qui unissent "gnose et orthodoxie" ?
Réponses dans cet entretien de 48mn enregistrée au Forum 104 entre Natalie Depraz et Françoise Bonardel.