Le gouvernement du « gnostique » selon les philosophes iraniens
La gnose et son pendant collectif – le gnosticisme – ont fait couler beaucoup d’encre depuis les débuts de l’ère chrétienne ; de façon polémique d’abord avec les Pères de l’Eglise, puis d’un point vue savant et érudit, depuis un peu plus d’un siècle. Que recouvrent ces mots un tantinet mystérieux ? La gnose est la traduction d’un mot grec, gnôsis, qui signifie « connaissance salvatrice » et « révélation intérieure ».
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Une connaissance qui transforme donc le sujet, et s’adresse avant tout à une personne, « le gnostique » et va le mettre en chemin, à travers différentes pratiques, et ascèses, afin de s’élever au rang de la divinité, ou tout du moins, à y tendre.
Gnose et gnosticisme : une thématique qui demeure actuelle
Le gnosticisme, quant à lui, se confond assez largement avec le manichéisme : une appréhension théologico-politique dualiste de la réalité selon laquelle la matière - donc le monde manifesté - est l’œuvre d’une entité diabolique, ou satanique, qui s’oppose au monde immatériel de l’âme et de la conscience universelle, d’essence divine.
On retrouve ce dualisme dans plusieurs traditions : le mazdéisme iranien, le platonisme et les illusions de la Caverne, la religion des bogomiles au Moyen Âge, le « catharisme » évidemment, jusqu’à certaines conceptions de l’Islam, notamment dans son versant chiite.
La Gnose et le Politique : deux philosophies et rives distinctes où royauté et étatisme se font face.
Christian Jambet, philosophe et élève du célèbre orientaliste Henry Corbin, expose ici les enjeux, parfois problématiques de la gnose, à travers les œuvres de son maître Corbin, mais également de Sohravardi et de Mollah Sadra…
Il dresse une opposition entre le salut personnaliste et individuel - que Corbin considérait comme seul accomplissement possible pour le « gnostique » - et la conception dualiste du gouvernement divin chez les auteurs de l’Iran classique selon laquelle la réalité matérielle doit être soutenue par un « nomothète », un législateur qui applique et réalise les prescriptions de la loi divine.
Le salut du gnostique au sein de ce mode de gouvernement résidant chez ces mêmes auteurs iraniens dans une éthique de l’effacement, non sans danger personnel, dans une occultation vis-à-vis de son maître et de la divinité à laquelle il s’identifie et avec laquelle il souhaite s’unir….
Cette conférence replace la nécessaire petitesse de l’homme, éternelle proie du règne de l’illusion, « dans ce grand chambardement cosmique » et insiste sur le caractère hésitant de tout désir d’ascension de l’esprit….
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Enregistrement réalisé le 13 novembre 2021, à l’INHA, Paris, XVIème journée Henry Corbin (« Gnose et gnosticisme »), organisée par l’association des Amis d’Henry Corbin.