L’ésotérisme chez Origène
La « Science de l’Arcane », telle que la nommait Clément d’Alexandrie, était transmise de manière orale, jamais écrite, et en secret… Quelle était sa teneur, et pourquoi l’entourer d’un tel secret ? Origène, contemporain de Clément, est né à Alexandrie en 185 et mort à Tyr en 253. Cette période est charnière dans l’histoire de l’Occident : le christianisme naissant se confronte alors avec le néoplatonisme. Tous les penseurs, et futurs théologiens (la patristique s'établira dans les deux siècles suivants) étaient tous philosophes. Plotin tentait alors de réaliser cette alliance entre les pensées de Platon, Aristote, les stoïciens avec le christianisme…
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La question de l’Un, du multiple, de l’origine de l’âme et de son devenir suscitait des débats d’une grande intensité. Des débats où « le pourquoi de la Création », de la nature de « la volonté de Dieu » occupaient une place prépondérante et au cours desquels une voix clairement dissonante se faisait entendre: celle d' Origène.
Origène est l’un des rare éveilleur dans le champ chrétien, sa pensée nous invite à « aller au-delà de la réalité sensible et de l’immédiateté des éléments de perception du réel... » nous-dit Jean-Marc Vivenza.
Origène nous invite à sonder les tréfonds du réel, de l’être, et nous interroger sur ce qui relève de l’incorruptible, immuable et éternel. Son approche se base principiellement sur la connaissance et non sur la croyance... Et elle s’adresse à ceux qui possèdent « les armes de l’esprit ».
Ainsi, pouvons-nous aisément comprendre que la doctrine du salut universel, de nature religieuse et promise à tous les croyants, soit entrée en but avec sa pensée, et que les réactions entourant sa postérité alternent entre l’anathémisme, l’hérésie ou tout bonnement la réécriture: « les versions actuelles des textes d’Origène ont été expurgées des passages les plus compromettants ».
« Les âmes se sont refroidies à la contemplation divine (katabolè) et ont chuté dans des corps de matière. Pour Origène, la matière est une prison ».
Jean-Marc Vivenza, interrogé par Sandy Hinzelin, nous spécifie ici les lignes saillantes de la pensée d’Origène. Contredisant l’idée d’une création divine, gratuite et effectuée en pure charité, Origène l’a perçoit comme contrainte et mue par un principe de nécessité : « l’homme n’a pu être, au premier temps de son histoire, une matière, il fut tout d’abord une âme émanée. L’homme est une substance issue de la substance divine, et non du limon de la terre…».
Si de nos jours, ces questions peuvent paraitre abstraites, voire secondaires, elles sont au contraire fondamentales : la thèse d’Origène bouleverse notre rapport au monde, et nous ouvre vers le domaine de l’impensé, du suressentiel.
Et pour Jean-Marc Vivenza de poursuivre : « pour Origène, la création est une détermination, hélas tragique, de la situation de l’être au monde. Une sorte de descente de l’Un vers le multiple et d’un enfermement dans la matière des âmes. Esseulées, perdues et orphelines de leur origine primitive, elles se languissent de retrouver l’Unité perdue… ».
Si la préexistence des âmes (« une évidence pour les grecs »), l’aspiration au retour à l‘unité première (la réintégration) vous passionnent, cet entretien vous donnera certainement de nombreux outils de compréhension. Et de méditations.
Origène, père de l’ésotérisme? Sans nul doute. Son interprétation spirituelle de l’écriture, qui n’est ni historique, ni mythologique, constitue un récit spirituel, qu’il faut aborder avec des armes, celles de la philosophie.
Selon Origène, et à sa suite Jean-Marc Vivenza : nous sommes une étincelle, un fragment de l’éternel Un, de l’éternel indifférencié. Lorsque cette porte s’entrouvre, alors la sortie des fers de la détermination surgit...