Les trois âges de la vie d'une femme
Dans notre Occident moderne, où l’uniformité s’est progressivement substituée à l’unité, où le Temps a perdu toute notion de cyclicité au profit de la linéarité : comment les Femmes peuvent-elles se réapproprier les repères temporels qui leur sont spécifiques ? Et par là-même retrouver leur réelle dimension ? C’est la question abordée par deux femmes gynécologues, dans cette table-ronde animée par Florence Quentin.
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Danièle Flaumenbaum est gynécologue, acupunctrice et auteure (Femmes désirées, femmes désirantes, 2006, ed.Payot). Manola Souvanlasy est un des rares médecin français à bénéficier des deux diplômes: médecin généraliste "occidental" et médecin traditionnel chinois. Elle enseigne également l’acupuncture aux sages-femmes et aux médecins à l’Université de Paris. Bien que toutes deux aient été formées à la rigueur scientifique de la médecine occidentale, elles reviennent ici sur ce qui les a motivées à étudier la médecine chinoise, et comment cette dernière enrichit leur pratique.
Héritage culturel pour Manola, élargissement des possibilités thérapeutiques pour Danièle, cette approche a radicalement changé leur regard sur la santé en général, et le fonctionnement du corps féminin en particulier. En effet, là où la médecine occidentale sépare les différentes parties de l’anatomie et les systématise afin de traiter des symptômes pathologiques particuliers, la médecine chinoise, elle, réunit la globalité d’un individu et le contextualise dans une approche holistique.
Corps, esprit, émotions, mémoires (y compris ancestrales ou transgénérationnelles) s’unissent pour former un tout qui fait sens, une histoire individuelle. Cette histoire individuelle, il convient selon elles de se la réapproprier. De fait, cette approche est centrée sur la prévention, l’éducation et la responsabilisation du patient, en l’occurrence, de la patiente.
En effet, plus que celle d’un homme, la vie d’une femme est réglée par des repères temporels précis, ancrés dans le corps : puberté, fertilité/maternité, ménopause. Tels sont ses trois grands rendez-vous.
Chacune de ces transformations physiologiques correspond à des réalités psychologiques différentes, dont Danièle Flaumenbaum et Manola Souvanlasy regrettent qu’elles ne fassent plus l’objet d’une transmission mère-fille, d’accompagnement, perdant de la sorte leur signification profonde.
C’est alors que certaines pathologies peuvent se manifester, sous l’effet de blocages émotionnels, et en particulier dans ces moments charnières où la femme est particulièrement vulnérable.
Mais un autre effet pervers du manque de perspective induit par une vision matérialiste et mécanique du corps, est que parfois le remède (allopathique) s’avère en réalité être le mal. Notamment dans le traitement de la ménopause, dont nos intervenantes tiennent à rappeler qu’elle n’est pas une maladie !… Là où la médecine chinoise va avoir pour but de maintenir l’équilibre nécessaire à la santé, en accompagnant le mouvement naturel de déclin, de ralentissement de l’activité du "yin des reins", la médecine occidentale au contraire va bloquer ce processus naturel avec force traitements hormonaux, forçant le corps à rester à l’étape précédente. Refus d’un temps cyclique, de la maturité, de la vieillesse : la ligne droite ne doit connaitre aucune limite !
Ceci est bien caractéristique de notre société du « toujours plus » ! Et pourtant, si les cycles sont bel et bien la richesse de la femme adulte, ils sont aussi une contrainte…ce temps qui occupe la plus grande partie de sa vie est aussi un temps de devoir, envers la famille, la société… On peut donc légitimement se demander où est la véritable libération pour la femme, entre ces deux approches…petite fille perdue dans un corps de grand-mère, ou "fontaines d’amour" ?