Le rêve de Kupka. Anarchisme, théosophie et devenir télépathique de l’art
On dit des artistes qu’ils sont familiers du monde du rêve, et éloignés du principe de réalité. C’est aller un peu vite en besogne ! En effet, même le célèbre homme politique français Jean Jaurès fit paraitre en 1892 (il avait alors 32 ans) une étude sur le rayonnement du cerveau humain et de la conscience : De la réalité du monde sensible (Félix Alcan Ed.). « Quels sont les composants de la réalité », « quelle place occupent nos sens dans cette compréhension » étaient des questions qui taraudaient alors médecins, physiciens, philosophes, dramaturges et artistes…
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Cette période précise de notre histoire, fin XIXème et début XXème fut justement, aussi, le théâtre de bouleversements sociaux, politiques et technologiques : le début du téléphone, donc du terme de « télécommunications », ainsi que la photographie.
S’affranchir des limites du temps, de l’espace, et de tout support matérialisé.
Pascal Rousseau évoque ici les idéaux et l’oeuvre de l’artiste tchèque puis français Frantisek Kupka (1871, Opocno, République tchèque - 1957, Puteaux, France). Sa sympathie, occasionnelle, pour l’utopie universalisante, ésotérique et médiumnique de la société théosophique et son affection, inconditionnelle et durable cette-fois-ci, pour les mouvements anarchistes de son temps.
Pour Kupka, les travaux sur les corps subtils de l’homme, ses capacités médiumniques, devaient conduire à un art purement télépathique, affranchi de toute toile et pinceau (des marchands aussi !) et cela pour une entente cordiale entre tous les peuples.
Utopie sortie d’un christianisme sécularisé, d’un idéal d'abstraction artistique, ou anarchiste ?
X-graphie, ou psycho-graphie : l’art du futur pour Kupka
Idéalistes et idéologues d’hier et d’aujourd’hui aiment à créer des cénacles plus ou moins confidentiels, où l’on anticipe le monde de demain, envisage le nouvel homme. Des lieux où la recherche sincère et désintéressée d’une amélioration de la « chose publique » côtoie parfois sectarisme et totalitarisme.
A l’aune de ce premier quart de XXIème siècle, où l’on peut envoyer une photo, une pensée en une milliseconde à l’autre bout du monde, par mail, où Faust nous est revenu sous les traits de l’homme augmenté (i.e. le transhumanisme) : quel regard porterait Kupka sur toutes ces dématérialisations ? Cette entente cordiale, si chère à son cœur, en a-t-elle été renforcée ?
Exposé enregistré lors du 37e colloque international de Politica Hermetica que nous remercions.