Qu’est-ce que la réalité ? Par Georges Banu
Pour Georges Banu, le rôle et l’acteur représentent deux niveaux de réalités distincts. Lequel promeut l’autre ? Est-ce l’acteur qui atteint un niveau de réalité supérieur en donnant chair à un rôle ? Ou bien est-ce le rôle qui apporte à la personne son vêtement, parement extérieur communément identifié à « la réalité » dans notre monde moderne.
Quand l’un et l’autre se réunissent au point de ne former qu’un : cet eurêka constitue-t-il lui aussi un troisième niveau réalité ?
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Ainsi, quand Shakespeare fait dire à Richard II, alors qu’il abandonne la couronne, « qui suis-je qu’un acteur qui quitte la scène sous la huée d’un public ? » dissocie-t-il le Roi (3) le rôle (2) et la « carcasse humaine » (1) : chaque partie intègre un niveau de réalité différent.
Plaçant ses réflexions bien au-delà d’un simple questionnement littéral qui ne reviendrait qu’à s’interroger sur la place de l’illusion et de la fiction dans le théâtre ; Georges Banu fait sienne la philosophie des antagonismes chère à Stéphane Lupasco « qui maitrise la contradiction maitrise le monde » et déclare « si le théâtre est une illusion alors le théâtre EST LA REALITE».
Peter Brook avait ainsi noté dans son ouvrage « L’espace vide » qu’il existait trois formes de théâtre : les deux premières sont antagonistes avec d’une part le théâtre sacré dont la finalité est de rendre l’invisible visible, et d’autre part le théâtre brut qui repose sur la sublimation de la dimension la plus concrète du réel. Une troisième voie, selon Peter Brook, existe, grâce au théâtre immédiat qui mêle visible et invisible : principe de discontinuité et hétérogénéité.
Pourfendant le système unificateur d’ Aristote qui qualifiait de « monstrueux » l’absence d’homogénéité, Georges Banu souligne dans cet exposé l’importance de l'hétérogénéité et de la contradiction qui deviennent source d’énergie créatrice et érige l' émergence de la discontinuité comme principe dynamique « organisateur et structurant »… principe qui enfantera les avant-gardes et inspirera des auteurs tels que Joyce, Sarah Kane, Beckett.
Lorsque l’artiste quitte la scène et se démaquille, face à son miroir : reste-t-il en lui encore un peu de son personnage ? Ce petit reste s’apparenterait-il au Tiers Inclus développé par le métaphysicien Stéphane Lupasco et mis en lumière par Basarab Nicolescu dans son dernier ouvrage « Qu’est-ce que la réalité » (Ed Liber) ?
Lorsque Einstein découvrit la relativité, au même moment Pirandello se posait la même question : où est le réel, où est la fiction ? Réel et fiction appartiennent-ils à la même réalité ? On s'aperçoit que simultanément, dans une logique transdisciplinaire, les chercheurs unissent leurs quêtes, et nous pouvons le constater encore de nos jours entre la mystique et la physique quantique.
Le sacré est-il le seul vecteur à pouvoir transmettre du sens ? Quelle finalité le théâtre et l’art doivent-ils servir ?
Autant de questions passionnantes abordées dans cette table ronde de 40 minutes filmée au Forum 104, réunissant Basarab Nicolescu, Adonis, Jean Pian et Georges Banu. Animation : Petre Raileanu et Fulvio Caccia.
A noter: ce second exposé, suit un premier volet "Qu'est-ce que la réalité par Jean Pian" (mathématicien) et précède celui consacré à la poésie (par Adonis).