La descente de l’âme dans un corps et le retour vers son origine : Plotin, Porphyre et Macrobe
L’âme est-il un domaine de réalité ? « Pour les néo-platoniciens, c’est certain », affirme ici Luc Brisson, sans l'ombre d’une hésitation. Nous sommes au IVe siècle de notre ère, soit près d’un millénaire après la mort de Platon. Entretemps, le monde des idées a vu se succéder de nombreux courants majeurs : aristotéliciens, stoïciens et épicuriens. Ce qui unissait tous ces philosophes ? Réfléchir aux liens possibles entre le monde sensible (celui que l’on peut voir et sentir) avec le monde intelligible, invisible et atemporel, siège de l’Un, de l’Intellect et Âme du Monde…
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Parmi ces néo-platoniciens du IVe siècle, Luc Brisson en a sélectionné trois : Plotin, Porphyre et Macrobe. Il nous spécifie ici leurs conceptions de l’incarnation de l’âme dans un corps, de son évolution, puis de son départ, lorsque l'heure est venue de « plier sa tente »…
Depuis le voyage dans le cosmos et la réception des influences planétaires, du choix de s’incarner dans un embryon puis du retour-séjour, plus ou moins éphémère, dans l’Hadès.
Ainsi, à travers la lecture de certaines sentences des Ennéades (recueil de textes édité par Porphyre à la fin de sa vie, en hommage à son maitre Plotin), complétée par un texte de Macrobe, on y apprend que l’âme, au cours de son parcours dans la voie lactée et son voyage vers la Terre, se charge « d’une enveloppe », de qualités, au contact des sept planètes.
Par ordre :
- avec Saturne, elle acquiert le raisonnement et l’intelligence, « logistikon » ou « theretikon »,
- par Jupiter, l’énergie d’agir, nommée « pratikon »,
- avec Mars, le don du courage « thumikon »,
- via le Soleil, la faculté de percevoir et de se représenter, dite « aestethikon » ou « phantastikon »,
- le désir nommé « epithumetikon » dans la sphère de Vénus,
- « Hermeneutikon », l’art de se savoir énoncer ce que l’on perçoit chez Mercure (associé au Pneuma, au Souffle)
- « Phutikon », la faculté d’engendrer et de faire croitre via la Lune. Faculté la plus éloignée du divin en en même temps la plus proche des hommes, car le corps est l’allié des choses divines, et la première substance des choses animales.
L'Intelligible, cause du monde de l’âme ?
Luc Brisson nous révèle aussi les trois grands principes plotiniens de l’âme :
- l’âme n’est pas créée, elle « est » de toute éternité
- l’âme se trouve toujours associée à un corps
- ses voyages se font toujours dans le monde sensible, même si, à l’instar des bons ou mauvais daïmôn, ils demeurent invisibles à nos yeux.
Et pour lui d’ajouter « c’est bien pour cette raison que l’on ne peut pas distinguer la cosmologie, de l’éthique et l’eschatologie chez les néo-platoniciens »…
Un exposé enregistré lors de la journée d'étude « L’au-delà dans l’Antiquité tardive, courants philosophiques, religieux et païens », Sorbonne, Paris, 14 mai 2019. Remerciements à Andreea-Maria Lemnaru (Centre Léon Robin-LEM), Jean-Baptiste Gourinat (Centre Léon Robin-CNRS) et Michael Chase (Centre Jean Pépin-CNRS).