Deucalion, le Noé biblique (5/6)
Si le but ultime d’un prométhéen consiste à "faire monter la matière vers la lumière" (Prométhée n’est-il pas parti vers l’Olympe avec un bout de son caillou ?), les aventures de Lycaon et de Deucalion, lui-même fils du Titan, vont justement nous permettre de comprendre la dimension spirituelle du mythe de Prométhée. Au-delà d’une lecture évènementielle du mythe, à savoir ici: le funeste repas de Zeus passé en compagnie des fils de Lycaon, sa colère apprenant qu’on lui a servi des tripes humaines, le déluge qui s’en suivit, le sauvetage de Deucalion et de son épouse Pyrrha, leur navigation forcée pendant neuf mois, puis enfin leur retour sur la terre ferme, au Mont Parnasse, en vue de créer une nouvelle humanité (cf. l’oracle de Thémis) :
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A quoi correspond réellement cette "mise en scène" de l’histoire ? Que nous apprend ce mythe sur notre psyché profonde ?
Lycaon veut dire Loup. Le loup est un animal qui voit dans la nuit (nyctalope). Lycaon a aussi donné le mot "Lycée", un lieu d’enseignement, porteur d’une certaine "Lumière". Intelligence, Connaissance, Lumière : des portes qui s’offrent à chacun de nous, certes, mais, lorsqu’on les ouvre du mauvais côté (volonté de pouvoir ?) n'engendrent que méchanceté et cynisme. Dans ce cas, l’homme devient un loup pour l’homme, et "ce mésusage de la connaissance rend fou de colère Zeus" nous-dit Luc Bigé….
Ne pas confondre le gouvernail (l’information) avec les voiles (le pouvoir du souffle)
A travers Deucalion, le marin du vin nouveau, Luc Bigé va détailler la symbolique du marin et de la navigation. Ce sentiment de grande liberté qu’elle procure et qui parle plus aux prométhéens qu’à aucun autre… Cet art de manier les nœuds, de les dénouer : attachement et liberté à travers ces liens qui alternativement emprisonnent ou libèrent. Seront évoqués ici, aussi, les différentes composantes du bateau : coque, voile, gouvernail et points de repères dans le ciel…
Ainsi, à la manière des peintures taoïstes où l’on voit un minuscule esquif suivre sa route parmi des vagues gigantesques (cf le Wuwei, le lâcher-prise): l’important n’est pas de connaitre la carte par coeur, ou de manier son embarcation comme un champion. L’important c’est de bien identifier, et surtout d’évaluer, toutes les forces en présence.
Ainsi si le faustien ses cramponnera à son gouvernail, à son GPS, ou à toute forme de savoir, persuadé qu’il est "que le mental dirige tout"; le prométhéen réalisé en revanche (cf. "Le Nouvel Homme" théorisé par Sri Aurobindo) regardera calmement la mer et le sens du vent. Sa seule certitude, c’est qu’il ne pourra jamais aller à l’encontre de leur force. Et justement cette force gigantesque, pneuma ou souffle, il parviendra harmonieusement à la mettre à son profit et arriver à bon port….
Une jolie métaphore, riche de symboles, consistant à conjuguer un certain réalisme (le feu de la matière, Héphaïstos) avec des idéaux le souvent plus difficilement atteignables (le feu céleste, Zeus et Prométhée)…