De la Sophia comme schème mystique chez Henry Corbin

Qu’est-ce que la mystique chez Henry Corbin ? Vaste question qui pourrait faire l’objet de nombreux livres. Daniel Proulx, chercheur en philosophie et science des religions - et spécialiste de la pensée d’ Henry Corbin - se propose ici de la traiter sous l’angle de la sophiologie. Plus qu’une simple influence parmi d’autres, celle-ci lui semble en effet être un véritable leitmotiv traversant toute l’œuvre d’ Henry Corbin. Pour cela, il faut commencer par réexaminer justement les influences qui ont marquées son parcours et sa pensée, quitte à remettre en question quelques idées reçues.

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Corbin ayant été le premier à traduire Heidegger en France, on en est venu à établir une filiation entre les deux – d’ailleurs ne disait-il pas lui-même que l’Allemagne était sa "patrie philosophique" ? Cependant, selon Daniel Proulx l’importance de cet apport, ou encore de celui de Karl Barth dont Corbin fut également le premier traducteur, paraît surestimée au regard de certains éléments. Tout d’abord, cette emphase tend à occulter toutes les autres traductions d’Henry Corbin, notamment celles de Sohrawardi (entre autres) ; mais surtout, elle ne permet pas de comprendre son "passage de l’Occident à l’Orient". Celui-ci apparaît alors comme un paradoxe, et les hypothèses les plus contradictoires ont été avancées, sans fournir de réponse vraiment satisfaisante – sans compter que ce basculement vers l’Orient est démenti par l’intéressé lui-même quand il réécrit son autobiographie…
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Ainsi, pour Daniel Proulx, Heidegger n’est finalement, au regard de Corbin, qu’un "confrère" ayant utilisé les mêmes clés de compréhension que lui – et ses influences plus profondes seraient donc plutôt à chercher du côté des détenteurs de ces clés… à savoir Dilthey et Schleiermacher pour la philosophie, et Rudolf Otto et Gerardus van der Leeuw pour la phénoménologie. Chez ce dernier, elle s’oriente (littéralement) vers une "anthropologie de l’existence religieuse", ce qui rejoint bien l’une des préoccupations centrales de Corbin, pour qui la philosophie doit s’ouvrir au Mundus Imaginalis, "sinon la Sophia n’a plus rien à faire avec la Sophia".

Quant à l’influence protestante, si elle est indéniable, elle n’est sans doute pas tant non plus à rechercher du côté de Karl Barth, dont Corbin se désintéressera dès lors que ses "étincelles prophétiques" auront mué en une lourde dogmatique. Ce qui avait retenu son attention chez celui-ci, et chez les théologiens protestants en général, c’est avant tout la recherche d’une voie permettant de transcender le paradoxe entre l’inconnaissance de Dieu, et la relation personnelle à Dieu.
Et encore fallait-il que cette voie fut issue de la tradition occidentale, et non importée d’Orient. Or c’est précisément ce que proposait Jung dans sa Réponse à Job (1952), ouvrage auquel Corbin répondit lui-même par sa Sophia Eternelle (1953)… comment penser en effet le rapport entre Dieu et le monde, ou entre Dieu et l’homme, dans un Occident pris en tenaille entre le sécularisme et le dualisme, le premier imposant le monde au détriment du divin, le second les séparant de façon irrémédiable ?
C’est dans cette tension que "l’urgence de la sophiologie" prend tout son sens. C’est là qu’apparaît la "dette spirituelle" d’Henry Corbin envers Boulgakov et Berdiaev. Angélologie, docétisme, sophia, incarnation, théophanisme… autant de thèmes centraux dans son œuvre, qui semblent bien difficiles à interpréter sans tenir compte de la sophiologie, et de ceux qui la lui firent découvrir.
Souhaitez-vous en apprendre davantage sur le parcours et les influences de ce philosophe qui "alla partout où l’Esprit le guidait" ? Alors suivez Daniel Proulx dans cette conférence de 42 mn enregistrée à l’Ecole Normale Supérieure lors de la 8 ème journée Henry Corbin.

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