La mystique comme problème philosophique pour Henri Bergson
Quiconque s’intéresse à la mystique s’expose à plusieurs formes de réprobation. D’une part celle des théologiens, estimant qu’on ne peut parler de mystique sans en appeler à la révélation surnaturelle, et d’autre part celle des philosophes , s’inquiétant du terrain sur lequel on les emmène, un terrain hors de la raison, donc hors de la philosophie.
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La mystique renvoie implicitement à un contact, au cours de l’approfondissement de la vie intérieure, un contact avec le principe de la vie, plus communément appelé "Dieu". Deux choses sont ici à considérer, nous-dit Ghislain Waterlot : "d’abord, la connaissance de Dieu émane d’une expérience que font certaines personnes, expérience dans laquelle l’âme et le corps tout entier sont impliqué. Deuxièmement, il y a un rapport entre Dieu et la vie car le seul fait d’exister démontre l’existence de Dieu en tant que principe de vie".
Si la connaissance de Dieu dépend d’une expérience, elle ne serait donc pas le point culminant d’un philosophe ou d’un théologien. Pour Bergson, le Dieu des philosophes ou des savants n’a rien à voir avec Dieu car ce n’est qu’une idée, un concept. Or le concept est l’aboutissement du travail d’une intelligence qui prolongeant nos perceptions fige la réalité, cette réalité mouvante, en perpétuel changement et qui est le fond même de la réalité : le réel change sans cesse (ainsi que le démontre de nos jours la physique quantique, ndlr).
L’intelligence humaine n’a de cesse que de prendre des points d’appui fixe sur ce réel pour donner une stabilité, une prise possible à nos actions. Notre intelligence organise donc un ensemble de choses fixes pour les ordonner et elle préside à l’élaboration des concepts fixes et abstraits jusqu’à formuler l’idée des idées qui les contient toutes : Dieu.
Ce Dieu devient ainsi le sommet de l’architecture des idées construites par l’intelligence qui finit par estimer que le réel mouvant et changeant n’est qu’un déficit. Pour cette intelligence (toute relative) la réalité même n’est qu’un déficit, un moindre être par rapport à l’univers d’idées absolument stables que l’intelligence a élaborées.
En fait pour Bergson, cette intelligence d’idée fabricatrice n’a pour but que de faciliter nos actions et notre vie sociale. En estimant que Dieu est l’idée absolue sous laquelle se comprennent et se rangent toutes les idées, l’intelligence ne fait qu’idolâtrer son activité propre ou si l’on préfère, c’est l’humanité, caractérisée essentiellement par son intelligence, qui s’adore elle-même…
Ainsi Ghislain Waterlot va tenter de nous dépeindre à la lumière des travaux d’Henri Bergson, les rapports souvent complexes, et complexés, que philosophie et littérature ont entretenu avec la mystique.
Bergson, philosophe de la vie par excellence, s’est attaché à sonder ce mystérieux "élan vital", cette emblématique "racine de vie", tout en jugulant ce qu’il nommait "la puissance de productions de nos pensées conceptuelles".
Souhaitez-vous vous familiariser avec les sources de la mystique que Bergson appelait "morale ouverte", et "religion dynamique" ?
Eléments de réponses de Ghislain Waterlot dans cet exposé de 39 minutes enregistré à l’université du Mirail (Toulouse) lors du colloque "Mystique, littérature et arts de la représentation du XIXème siècle à nos jours" organisé par Lydie Parisse.