La Tradition selon Balzac
L’idée de Tradition, chère au Romantisme qui essaie de resituer la condition de l’homme dans la nature et dans l’histoire, est liée à la réception d’un message divin et occulte. Qui dit Tradition, dit transmission, conservation et prise en compte de ce message pour le présent et l’avenir. C’est bien ce que fait Balzac. Il revient à diverses reprises sur "l'indestructible tradition divine" ( La Peau de chagrin), "la tradition de la parole de Christ" (Séraphîta), au sens de la doctrine suivant laquelle les vérités absolues auraient été transmises directement une fois pour toutes par Dieu à Adam, aux prophètes et à Jésus Christ, puis à certains intermédiaires privilégiés. Balzac se croit un maillon de cette chaîne.
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Il affectionne donc les listes de grands initiés, destinées à produire un "effet culturel", listes très éclectiques où se mêlent des figures légendaires comme Moïse, Jacob, Zoroastre, Paul, Pythagore, mais aussi historiques comme Paracelse, Corneille Agrippa et Cardan, ou encore "Vico, Herder, Creuzer, Ch. Bonnet" (L’Envers de l’Histoire contemporaine).
Ces énumérations litaniques produisent cet « effet incantatoire, presque magique » cher à Umberto Eco, qui ouvre sur « une esthétique de l’infini ». Toujours soucieux de repousser les limites du temps romanesque pour donner à son œuvre une plus vaste amplitude, Balzac s’insère dans cette Tradition, qui renvoie à une origine mystérieuse perdue dans la nuit des temps.
La Comédie humaine, œuvre concentrique où tout se tient, devient ainsi un texte fondateur, destiné à un vaste public par l’intérêt de ses intrigues, mais dont le message réel - sa propre construction - s’adresse au petit cercle d’élus qui participent de la "Spécialité", la sphère supérieure de son univers.
Un exposé de 37 min enregistré à La Sorbonne, Paris, dans le cadre des colloques Politica Hermetica, organisé par Jean-Pierre Laurant.